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Organisateur du Mondial 2022, le Qatar doit maintenant convaincre

Le Qatar sera le plus petit pays, et le premier du Moyen-Orient, à organiser une Coupe du monde de football sur son sol. Malgré 50 degrés en été et seulement trois stades pour l'instant, l'émirat a convaincu le Comité exécutif de la Fifa.

Des milliers de Qataris sont descendus dans les rues de Doha, jeudi soir, pour célébrer "leur" victoire. A douze ans du coup d'envoi du Mondial 2022, ils ont sorti vuvuzelas et drapeaux, provoquant des embouteillages monstres dans la capitale. Le président de la candidature qatarie, Cheikh Mohammed ben Hamad al-Thani, a remercié la Fédération internationale de football (Fifa) pour la dédignation du Qatar comme pays organisateur de la Coupe du monde de 2022. "Vous serez fiers de nous et vous serez fiers du Proche-Orient", a-t-il déclaré depuis Zurich, siège de la Fifa.

La décision de la Fifa n'a pourtant pas fait que des heureux. Comment la candidature de ce minuscule État du Golfe, qui n'a jamais été qualifié pour le Mondial et qui pointe au 113e rang du classement mondial de la Fifa - et où les températures montent à 50°C en été - a-t-elle devancé celles des Etats-Unis, de l'Australie, de la Corée du Sud et du Japon ? Jeudi, la Fifa a aussi attribué l'organisation de la Coupe du monde 2018 à la Russie, au détriment de l'Angleterre et des duos Belgique-Pays-Bas et Espagne-Portugal.

"La Fifa est tout simplement une entreprise"

Au-delà de la déception attendue des "perdants", de nombreux pays dénoncent aujourd'hui des choix plus politiques que sportifs."Le quartier général de la Fifa va nager dans les billets de banque", accuse ce matin Hans van Zon, journaliste du quotidien néerlandais populaire AD. "Le Qatar avait comme armes ses abondantes ressources financières basées sur l'argent du pétrole", titre aussi le quotidien japonais à grand tirage "Nikkei". "La Russie, un État mafieux pourri jusqu'à la moëlle par la corruption ; le Qatar, un royaume médiéval sans liberté d'expression ; les deux nagent dans l'argent du pétrole", clame encore le tabloïd britannique "The Daily Mirror" en Une.

Pour de nombreux observateurs, c'est effectivement "une logique de marché" qui a dicté les décisions de l'instance mondiale du football. "La Fifa est tout simplement une entreprise qui veut développer de nouveaux marchés, assure sur FRANCE 24 Sylvère-Henry Cissé, journaliste pour Canal +. Il était tout à fait normal, après l'Afrique, d'aller vers le Proche-Orient et la Russie." Le président de la Fifa, Sepp Blatter, a en effet mis en avant "le développement du football" lors de l'annonce des résultats."La Coupe du monde n'était jamais allée en Russie et en Europe de l'Est, et le Proche-Orient et le monde arabe attendaient depuis longtemps. Je suis donc un président heureux lorsque l'on parle du développement du football", a-t-il affirmé.

"La Fifa a choisi des pays qui ne sont pas confrontés à la crise et à la récession, confirme sur FRANCE 24 Joachim Barbier, journaliste au magazine So Foot. Le Qatar a mis 80 milliards de dollars sur la table, s'est payé comme ambassadeur l'ancien milieu de terrain français Zinedine Zidane pour un million de dollars... La France, elle, a du mal à trouver 150 millions d'euros pour financer les stades de l'Euro [2016, ndlr]." 

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Le Qatar, premier pays du Moyen-orient à accueillir une Coupe du monde
Organisateur du Mondial 2022, le Qatar doit maintenant convaincre

Le Qatar, qui devient le plus petit pays mais aussi le premier État du Moyen-Orient à organiser un Mondial, s'est aussitôt défendu. Le fils de l'émir, Cheikh Mohammed bin Hamad al-Thani, a jugé que la Coupe du monde allait permettre de "balayer les préjugés" sur le Moyen-Orient et le monde musulman, notamment en matière de respect des droits de l'homme.

"Il existe un préjugé qui dit que les femmes sont opprimées au Moyen-Orient. C'est faux puisque l'on a jeté les bases d'une ligue féminine au Qatar", a-t-il assuré. Dans son rapport 2009 sur les droits humains au Qatar, l'organisation Amnesty International affirme que les femmes sont encore victimes de violences et de discriminations et que les travailleurs étrangers, qui constituent une grande partie de la main-d'oeuvre du pays, continuaient d'être exploités et maltraités.

Des stades climatisés et démontables

Concernant les températures extrêmes attendues pendant le Mondial 2022, Cheikh Mohammed bin Hamad al-Thani a affirmé que différents tournois avaient déjà eu lieu "sous des climats similaires". Dans une première évaluation rendue publique, la Fifa avait noté que la tenue de la compétition pendant des deux mois les plus chauds de l'été présentait "un potentiel risque pour la santé des joueurs et des spectateurs".

Les organisateurs ont pourtant assuré que les 12 stades qui accueilleront la compétition - seuls trois existent, ils seront rénovés - seront climatisés, à partir de l'énergie solaire. Le tout sans dégager de dioxyde de carbone... Un projet qui laisse certains sceptiques : "Ce n'est absolument pas 'écolo-friendly', juge Joachim Barbier. Ce sera la première Coupe du Monde sous air conditionné !" Les stades devraient aussi être démontables, ce qui permettra de les installer dans d'autres pays plus pauvres à l'issue de la compétition.

Le Qatar, dont la croissance devrait atteindre 15,5 % cette année, a également prévu de mettre en place un métro ainsi que près de 45 000 chambres d'hôtels. Doha mise depuis des années sur le sport pour affirmer sa place dans la région. Alors que Dubaï joue la carte du tourisme et Abou Dhabi celle de la culture, le Qatar organise des tournois de tennis ou des Grands Prix de Formule 1. "Il y a une véritable ferveur pour le sport, assure Sylvère-Henry Cissé. Les Qataris ne vont pas forcément dans les stades, mais devant leur écran de télévision. Ils supportent leur équipe, qui peut être anglaise ou espagnole."

Reste à savoir si cet État du Golfe va réussir à attirer les foules... "Est-ce que le public va aller là-bas ? s'interroge Joachim Barbier. Les autorités vont certainement assouplir les règles, notamment en ce qui concerne la consommation d'alcool [normalement interdite, ndlr]. Pour les Anglais, les Allemands et les Hollandais, qui sont généralement les plus nombreux à se déplacer, cet événement est une fête. Mais quelle ambiance pourra-t-on trouver en dehors de stades ?"