L'un des premiers câbles diplomatiques concernant la France met en cause une entreprise française, Sofradir, accusée d'avoir fourni à la Chine une technologie militaire qu'elle aurait revendue à l'Iran.
Et si certaines technologies utilisées dans des systèmes d’armement dont dispose l’Iran était "made in France" ?
Le mémo 09STATE96222, en date du 16 septembre 2009, le suggère fortement. Rédigé par les services du secrétaire d’État américain, le texte accuse la société française Sofradir ainsi que sa filiale Ulis de vendre des détecteurs infrarouges très avancés à une entreprise chinoise. Zhejiang Dali Technology Company Ltd, les aurait ensuite revendus à l’Iran.
L’administration américaine souligne que ces détecteurs infrarouges sont "des composants de systèmes d'imagerie thermique [comme les jumelles à vision nocturne utilisées par l'armée, ndlr]" et peuvent, entre autres, fortement améliorer la précision des tanks de combat.
Une technologie, en somme, que les États-Unis n’ont aucune envie de voir entre les mains de l’Iran car elle "augmente la menace qui pèse sur les forces américaines et alliés présentes dans le Golfe", selon ce câble diplomatique, classé au plus important niveau de confidentialité des documents fournis par WikiLeaks.
Numéro 2 mondial
Ce câble diplomatique est l’un des rares concernant la France dans cette première fournée de documents émis par WikiLeaks et publiés dimanche soir. L’auteur y incite fortement l’ambassadeur des États-Unis à Paris à demander aux autorités françaises de faire pression sur Sofradir et Ulis afin que la société arrête de fournir cette technologie à la Chine.
Le document ne dit pas si les entreprises françaises étaient au courant du destinataire final de la transaction. Le commerce de cette technologie de détections infrarouges devrait, selon l'administration américaine, être soumis à un contrôle en vertu de l'arrangement de Wassenaar (1996) qui couvre l'exportation d'armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage tels que les systèmes de détection.
Sofradir a été fondé en 1986 à l’initiative de la Direction générale de l’armement. L’entreprise est aujourd’hui, numéro 2 mondiale des détecteurs à infrarouge. Sur son site internet, elle identifie les constructeurs d’équipement de défense et de sécurité comme ses principaux clients. La société affirme par ailleurs que ces produits sont utilisés notamment dans les équipements de détection de missiles.
La mention d’Ulis dans le câble diplomatique paraît, en revanche, plus étonnante. Cette filiale de Sofradir, fondée en 2003, n’a pas vocation à travailler dans le domaine militaire. Elle a spécifiquement été créée par Sofradir pour s’occuper de développer et trouver des applications commerciales plus "grand public" que les détecteurs à infrarouge.
Ce petit commerce, s’il est confirmé, s’est-il poursuivi après l’envoi de ce câble diplomatique qui remonte tout de même à l'an dernier ? Contactés par France 24, Sofradir et Ulis ont déclaré n’avoir aucun commentaire à faire sur ces informations.
Crédit photo : capture d'écran du site de Sofradir.