
L'élection présidentielle et les législatives doivent se tenir ce dimanche en Haïti. Mais les difficultés sont immenses pour les autorités : listes électorales obsolètes, bureaux de vote en ruine... Reportage à Port-au-Prince.
Cinq millions d'Haïtiens sont appelés aux urnes dimanche pour élire un nouveau président et renouveler leurs représentants.
Mais avec des institutions détruites par le séisme de janvier et l'épidémie de choléra qui fait rage, les associations de défense des droits de l'Homme présentes sur place ont demandé cette semaine un report des scrutins. Un appel resté sans réponse : les autorités ont refusé de repousser la consultation.
Faire la queue pour obtenir une carte d'identité
Des habitants de Port-au-Prince font la queue depuis 3 heures du matin pour tenter d’obtenir une nouvelle carte d’identité, sésame indispensable pour pouvoir voter dimanche. Tous l’ont perdue lors du tremblement de terre de janvier dernier.
"Cela fait quatre fois que je viens ; à chaque fois on me donne un nouveau rendez-vous. J’espère vraiment qu’aujourd’hui c’est la dernière et que je vais pouvoir participer aux élections" lance l’un d’eux.
Lorsqu’à 9 heures, les portes s’ouvrent, les premiers arrivés entrent au compte-gouttes. Quelques minutes plus tard, les portes se referment au nez des autres.
Dans la cour, seuls trois agents procèdent à l’attribution des cartes. Les candidats au vote tentent de prouver leur identité avec les rares documents sauvés des décombres. Le porte parole de l’Office national d’identification reconnaît les limites du dispositif en place :"L’État haïtien a tellement d’obligations ces derniers temps que, pour l’exercice en cours, son budget est très réduit, ce qui ne nous permet pas vraiment d’avoir plus de personnes affectées à ces opérations-là", indique Jean-François Alexis, porte-parole du CNI (centre national d'identification).
"Voter, c'est la seule chose que nous pouvons faire pour aider ce pays"
Dix mois après le séisme, le pays est-il prêt pour ces élections présidentielles, et législatives ? Dans les rues de Port-au-Prince, rares sont les habitations reconstruites et aucun chantier d’envergure n’est en cours. Un million de personnes s’entassent toujours dans des campements de fortune. Parmi elles, Fanfan Israel. "Voter, c'est la seule chose que nous pouvons faire pour aider ce pays. Je vais y aller avec [la carte d’identité] de ma femme, la mienne je l’ai perdue dans les décombres…"
Le désordre et le manque de préparation accroissent les risques d’irrégularités lors du scrutin. Les associations de citoyens se mobilisent et forment des observateurs pour éviter que l’un des candidats tente de profiter du chaos le jour J.
"Quand le pouvoir a son parti dans la course électorale dans un pays comme Haïti, il y a matière à être prudent. On n’a pas une tradition d’élections libres, honnêtes et démocratiques dans ce pays", reconnaît Vilès Alizar, un responsable du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH).
Malgré les difficultés, les autorités haïtiennes ont voulu tenir le calendrier électoral fixé par la Constitution. Elles répondent ainsi au souhait des pays donateurs qui ont débloqué 20 millions d’euros d’aide à la préparation des scrutins.