Le parti-pris par le pape de réévaluer son discours sur le préservatif semble de nature à redorer l'image du Vatican, et ça tombe bien, au terme d’une année 2010 émaillée de scandales de pédophilie. Hasard ou nécessité ?
C'est au terme de plus de cinq années de pontificat jalonnées de polémiques que survient ce virage surprenant. La nouvelle prise de position du pape sur le préservatif est dans l'ensemble saluée comme un pas en avant.
France24.com a fait appel à Odon Vallet, historien des religions, pour apprécier la chronique de l'année 2010 du pape.
France24.com : Le discours du pape sur le préservatif marque un tournant alors que le Vatican semblait inflexible sur la question. Comment expliquez-vous ce virage ?
Odon Vallet : Pour la première fois, il y a un pas, ce qui signifie qu’il peut y en avoir d’autres. Des pas qui ont déjà été franchis par des prêtres et des évêques qui ont affirmé que le préservatif était un moindre mal. Mais cette évolution est non négligeable, et surtout, elle sera très utile en Afrique, où on ne pourra plus interdire le préservatif sous prétexte que le pape l’interdit. C’est un point très important.
France24.com : Ce livre en général et ce discours sur le préservatif en particulier redorent en quelque sorte l’image de l’Eglise au terme d’une année marquée par les scandales de pédophilie. Peut-on parler de visée stratégique de la part du Vatican ?
Odon Vallet : Il y a certainement un changement énorme dans la communication du Vatican qui s’est beaucoup améliorée. C’est ce qu’on a pu constater lors de son voyage au Royaume-Uni, durant lequel la communication était parfaitement maîtrisée et bien meilleure qu’auparavant. Par ailleurs, il y a indéniablement une stratégie. Je dirais même que c’est un coup de pub formidable : ces extraits du livre paraissent un samedi, veille du dimanche et la stratégie a opéré puisqu’on ne parlait que de cela à la sortie des messes. A l’approche de Noël, on peut d’ailleurs prédire que le livre va très bien se vendre. Donc sur la forme, il y a une remarquable stratégie de communication
Mais il y a autre chose sur le fond. Benoit XVI semble ces temps-ci vouloir tirer un bilan de son pontificat. Je crois qu’il ne veut pas qu’on retienne de lui que les bourdes et les affaires. Il veut montrer que son pontificat n’aura pas été que polémiques et réajuste certaines choses. Mais attention, sur la question des prêtres abuseurs d’enfants, ce n’est pas nouveau, il a été très sévères et bien plus que son prédécesseur. Dans les entretiens, il dit son horreur de ce qu’il a découvert.
France24.com : Le pape prend une position pour le moins surprenante sur la burqa, bien après son interdiction par la France. "Je ne vois pas de raison à une interdiction générale". Si les femmes "veulent la porter volontairement, je ne sais pas pourquoi on doit le leur interdire". Comment expliquer cela ?
Odon Vallet : C’est un autre point important du livre qui est passé inaperçu. Il précise que si une femme veut la porter volontairement, il n’y a pas de raison de l’interdire. Je pense qu’il a surtout voulu protéger les chrétiens d’Orient par cette réponse. Il veut les ménager. On sait que l’interdiction de la burqa irrite beaucoup les plus extrémistes des musulmans qui pourraient vouloir se venger sur les chrétiens dans leurs pays.