Abdelmalek Droukdel (photo), chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, somme La France de traiter avec Ben Laden pour obtenir la libération des otages français, mais aussi de retirer ses troupes en Afghanistan. L'État rejette ces exigences.
Paris ne cèdera pas aux menaces d'Al-Qaïda. C'est en substance ce qu'a déclaré vendredi la chef de la diplomatie française, Michèle Alliot-Marie, après la diffusion d'un message du chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) adressé au gouvernement français.
Dans un enregistrement audio diffusé jeudi soir par la chaîne Al-Jazira, l'Algérien Abdelmalek Droukdel, le chef de la branche maghrébine d'Al-Qaïda, a affirmé que Paris devait négocier avec Oussama ben Laden, numéro un du réseau terroriste, pour obtenir la libération de ses cinq ressortissants retenus au Mali.
Aqmi détient sept otages, dont cinq Français, enlevés dans la nuit du 15 au 16 septembre à Arlit, dans le nord du Niger. Ces employés d'Areva, qui sont entre les mains d'Abdelhamid Abou Zeid, l'un des émirs de l'organisation, seraient actuellement retenus dans le nord-est du Mali.
Intérférer sur la stratégie de l'Alliance en Afghanistan
"Toutes les négociations sur ce sujet à l'avenir seront conduites exclusivement avec notre cheikh Oussama ben Laden et selon ses conditions", a déclaré Abdelmalek Droukdel. Alors que s'ouvre ce vendredi le sommet de l'Otan à Lisbonne, il a également appelé Paris à se "dépêcher de retirer ses soldats d'Afghanistan". Fin octobre, Ben Laden avait déjà indiqué que la France ne serait pas en sécurité tant qu'elle ne retirerait pas ses troupes engagées dans le pays.
"Le message d'Aqmi ne dit rien sur les otages, a commenté sur FRANCE 24 Mathieu Guidère, spécialiste d'Al-Qaïda. Il indique simplement qu'ils sont toujours en vie, et qu'ils sont utilisés pour négocier avec le gouvernement français. C'est un message opportuniste, qui est délivré au moment où se tient le sommet de l'Otan. Aqmi tente d'intérferer dans les discussions de l'Alliance sur sa stratégie en Afghanistan."
itRéunis pour deux jours au Portugal, les 28 pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord doivent en effet discuter de leur stratégie dans le pays et convenir d'un calendrier de retrait, envisagé pour 2014. Engagée depuis 2003 en Afghanistan, l'Otan subit toujours des pertes très importantes et est confrontée à une hostilité croissante de la population. La France compte quelque 3 800 hommes sur le terrain.
La France ne changera pas sa politique "d'un iota"
Pour Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po Paris et auteur de "Les neuf vies d'Al-Qaïda", cette nouvelle déclaration marque un véritable changement dans la communication et la stratégie d'Aqmi. "Ce message est un coup de théâtre, a-t-il expliqué sur FRANCE 24. Pour la première fois en sept ans d'opérations terroristes, les djihadistes d'Aqmi s'en remettent à d'autres qu'eux pour définir les termes de négociations à venir. Ils nous disent : nous ne sommes, en Algérie et au Sahara, qu'une partie d'un grand mouvement planétaire dirigé par Oussama ben Laden. Nous le reconnaissons comme notre chef et c'est lui qui nous donnera les directions pour l'avenir proche."
En s'en remettant à une "autorité supérieure", Aqmi pourrait tenter de gagner du temps sur les négociations concernant la libération des otages français. "Ça peut être une manœuvre ou ça peut être plus sérieux. Dans ce cas-là, il faudra du temps pour en tirer toutes les conséquences", ajoute Jean-Pierre Filiu.
it"La France ne peut accepter que sa politique soit dictée à l'extérieur par qui que ce soit", a réagi vendredi la nouvelle ministre française des Affaires étrangères. Une ligne de conduite déjà annoncée par le président français mardi. "Nous ne changerons pas d'un iota notre politique sous prétexte que nous sommes menacés", avait-il martelé, tout en se révélant "spécialement inquiet" pour les otages.
"La France fait tout ce qui est en son pouvoir pour que tous les otages, où qu'ils soient, soient libérés sains et saufs", a assuré de son côté la ministre Michèle Alliot-Marie.