La justice pakistanaise vient de condamner à la peine capitale par pendaison une chrétienne coupable de blasphème. Cette sanction est une première dans l’histoire du Pakistan, selon le quotidien britannique Christian Today.
Les chrétiens d’Orient vivent de sombres heures. Après la vague d’attentats en Irak perpétrés à leur encontre depuis le 31 octobre dernier, c’est au tour d‘une pakistanaise de Lahore de faire les gros titres.
Asia Bibi, 37 ans, mère de famille et de religion chrétienne, a été accusée d’impiété par des habitants de son village d’Ittanwali. En conséquence, elle vient d’être condamnée à la peine capitale pour blasphème par le tribunal de Sheikhupura, une ville de province du Penjab, à l’est du Pakistan. Une décision inédite pour une femme dans l’histoire du Pakistan, selon le Pakistan Christian Post et le Christian Today.
Inculpée pour blasphème selon les articles 295 B et 295 C du code pénal
Les faits remontent à juin 2009. Alors qu’Asia Bibi travaille aux champs en compagnie d'autres femmes musulmanes, elle est prise à partie sur sa foi. Selon le quotidien britannique The Telegraph, on lui demande d'aller chercher de l'eau mais quand celle-ci s'exécute, les autres femmes refusent de toucher au liquide qu'elles estiment "impur". Les travailleuses l’exhortent alors à renoncer à sa religion et à se tourner vers l’Islam. Asia se défend mais la discussion s’envenime lorsqu'elle compare Jésus au prophète Mahomet, ajoutant que sa religion est "la seule vraie religion". Les femmes crient au blasphème.
Les versions diffèrent sur la suite des événements. Selon the Pakistan Christian Post, la jeune chrétienne se serait réfugiée quelques jours plus tard dans un commissariat après avoir été violentée par les habitants de son village et ses enfants torturés. Mais sous la pression de la foule, la police se serait retournée contre elle avant de l’inculper pour blasphème, selon les articles de lois 295 B et 295 C du code pénal pakistanais en vertu desquels quiconque insulte le prophète Mahomet directement ou indirectement est passible de la peine de mort.
"Condamnée à mort pour un crime qu’elle n’a pas commis"
Asia Bibi était toujours en détention au moment du verdict, lundi. Ses défenseurs ont affirmé que la jeune femme ferait appel. Le juge Naveed Iqbal l'a condamnée à la pendaison en écartant "totalement" toute possibilité qu'elle ait été accusée à tort, ajoutant qu'elle n'avait "aucune circonstance atténuante", d'après le verdict dont l'AFP a obtenu une copie. Pour être exécutée, la condamnation doit être encore approuvée par la Haute Cour de Lahore, la plus haute juridiction du Pendjab. À ce jour, la République islamique du Pakistan n'a jamais exécuté un condamné à mort pour blasphème.
Pour le moment, Ashiq Masih, son mari, n’a pas eu le courage d’avouer la sentence à ses enfants. "Mes deux filles ne cessent de me demander ce que leur mère va devenir, mais je n’ai pas le courage de leur dire qu’elle est condamnée à mort pour un crime qu’elle n’a pas commis”, se désole-t-il auprès des correspondants du Telegraph au Pakistan.
Depuis, plusieurs associations et ONG sont montées au créneau pour dénoncer l’usage abusif de ces lois anti-blasphèmes. Ali Hasan Dayan, de Human Rights Watch, réclame son abolition. "C’est une loi obscène prise comme prétexte pour persécuter les autres communautés religieuses. Les minorités en sont souvent victimes", explique-t-il au quotidien britannique.
Trois millions de chrétiens au Pakistan
De son côté, Andy Dipper, de l’ONG Release International, un groupe de défense des chrétiens persécutés dans le monde, plaide pour les droits d’Asia Bibi et a lancé une pétition en ligne afin qu’elle obtienne justice. Il s’indigne du pas franchi par la justice pakistanaise dans un pays où vivent environ trois millions de chrétiens. "Ces lois sont utilisées sans commune mesure et beaucoup en abusent", affirme-t-il.
Une autre association, le Congrès chrétien du Pakistan a appelé le président pakistanais Asif Zardari à retirer immédiatement les fausses accusations portées contre elle.
En plus de la peine capitale, Asia Bibi a écopé d’une amende de 800 euros, soit l’équivalent de deux ans et demi de son salaire.
Le cas d’Asia Bibi n’est malheureusement pas le premier. Le 19 juillet 2010, deux chrétiens pakistanais ont été acquittés d’accusations de blasphème contre Mahomet mais ils ont été assassinés en plein tribunal. Le Christian Post révèle qu’une autre chrétienne Martha Bibi – sans lien de parenté avec Asia - est actuellement en procès sous le même chef d’inculpation.