Évoqué depuis six mois, le remaniement ministériel devrait survenir d’ici à la fin du mois de novembre. Gros plan sur les favoris et les outsiders de la course au poste de chef du gouvernement.
Jean-Louis Borloo, Michèle Alliot-Marie, Christine Lagarde, Luc Chatel, François Baroin, Bruno Le Maire, etc. En six mois, la presse française a égrené les noms d’une multitude de prétendants à la succession du Premier ministre, François Fillon… pour finalement retrouver dans le haut du tableau l’actuel locataire de Matignon et le ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo.
Dans les coulisses de l’Élysée, on parle d’un remaniement pour la mi-novembre, certains se risquant à évoquer la date du 22 novembre, au lendemain du sommet de l’Otan. À travers cette réorganisation, le président français, Nicolas Sarkozy, espère bien rebondir après la douloureuse réforme des retraites (selon le baromètre Ipsos, le chef de l'État a battu un nouveau record d'impopularité avec 30 % d'avis favorables pour le mois de novembre). Et surtout, il mise sur cette nouvelle ère pour préparer sa réélection en 2012.
Les favoris
François Fillon. L’hôte de Matignon va-t-il prolonger son bail ? Un temps pressenti vers la sortie (en septembre, il avait ouvertement marqué sa différence avec le président en déclarant que Sarkozy n’est pas son "mentor" lors d’un entretien avec la chaîne France 2), il est revenu au premier plan de la liste des prétendants début novembre en défendant son bilan social : "Je crois à la continuité de notre politique réformiste parce que je pense qu’on ne gagne rien à changer de cap au milieu de l’action et parce que le redressement de la France réclame de la durée". Fillon, 56 ans, entend ainsi reprendre du terrain sur le thème favori de son plus grand rival : Jean-Louis Borloo.
Son profil rigoureux et mesuré rassure l’opinion et pourrait être un atout pour Sarkozy dans la perspective de 2012. Sa cote de popularité a traversé les crises et les réformes sans osciller (43 % pour le mois de novembre, selon un sondage Ipsos). D’après TNS-Sofres, 47 % des Français voudraient même le voir rester rue de Varenne, contre 22 % pour Jean-Louis Borloo. Le Premier ministre bénéficie également du soutien des parlementaires, qui lui offrent régulièrement des standing-ovations à l’Assemblée nationale.
Si Fillon conserve son fauteuil, Nicolas Sarkozy devra marquer le changement en proposant une refonte en profondeur au niveau gouvernemental. Raison pour laquelle les députés ne manquent pas de faire campagne pour l’actuel Premier ministre.
Jean-Louis Borloo. Archi-favori depuis la rentrée, l’actuel ministre de l’Écologie, 59 ans, est en train de se faire doubler par François Fillon dans le dernier virage censé le conduire à Matignon. Son arrivée avait pour but de marquer un nouveau style : plus original et plus jovial que Fillon, parfois même gaffeur. Sa méthode : la concertation et sa force à dépasser les clivages. Borloo aime aussi les coups de fil nocturnes pour convoquer ses équipes.
Ministre de la Ville (2002-2004), du Travail (2005), des Finances (pendant un mois, en 2007), puis du Développement durable (2007-2010), sa longévité ministérielle témoigne de son ambition. Pour prendre place dans le fauteuil de Premier ministre, il joue sur la carte sociale. "La justice sociale, c’est une obligation morale et humaine", affirme-t-il dans les médias. Au lendemain du conflit sur les retraites, il se positionne comme l’homme qui peut réconcilier syndicats et pouvoir. Surfant sur son succès au Grenelle de l’environnement, il entend lancer un Grenelle de la fiscalité.
Attaqué par le camp Fillon, il dénonce les "boules puantes" venant du clan d’en face. Dans cette guerre ouverte, l’ancien maire de Valenciennes (nord de la France) jouit toutefois du soutien de l’ex-conseiller de l’Élysée Raymond Soubie et de l’influent secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, qui le qualifie d’"orfèvre en matière sociale".
Son opération séduction passe aussi par le relooking avec une nouvelle coupe de cheveux et de nouveaux costumes. Il se plaît également à citer régulièrement le nom de Nicolas Sarkozy dans ses discours.
Si Jean-Louis Borloo fait son entrée à Matignon, Nicolas Sarkozy pourrait profiter de l’électorat centriste, voire écologiste, de son nouveau Premier ministre pour élargir sa base en vue de la présidentielle de 2012. Mais le ministre a perdu des points en minimisant la pénurie d’essence lors des récentes grèves et en communiquant des chiffres imprécis. S’il choisit Borloo, Sarkozy pourra se contenter d’un léger remaniement sur le plan ministériel.
Les outsiders
François Baroin. "Il sait combien je compte sur lui", a déclaré, début novembre, le chef de l’État en faisant référence au ministre du Budget, âgé de 45 ans. Sa nomination serait un signe d’ouverture aux chiraquiens.
Bruno Le Maire. Également jeune prétendant (41 ans), l’actuel ministre de l’Agriculture et ancien directeur de Dominique de Villepin à Matignon connaît parfaitement la machinerie gouvernementale. Méconnu du grand public, il entretient son profil d’outsider. "Personne ne peut être candidat à Matignon", a-t-il fait savoir en rappelant que ce ne serait "pas correct vis-à-vis du président de la République", qui reste le "seul à même de décider qui il nomme Premier ministre". "Et ce qu'il décidera sera bien", a-t-il ajouté.