Les électeurs guinéens sont appelés aux urnes, ce dimanche, pour départager les deux candidats arrivés en tête du premier tour de la présidentielle, le 27 juin. Reporté à trois reprises, le scrutin se déroule dans un climat tendu.
Après 52 années de dictature civile et militaire, la Guinée est en passe de tourner l’une des plus importantes pages de sa jeune histoire. Depuis 7 heures (GMT) ce dimanche, quelque quatre millions d’électeurs sont appelés aux urnes à l’occasion du deuxième tour de la première élection présidentielle libre et démocratique organisée dans le pays.
Impatients de participer à un scrutin dont l’organisation est longtemps restée incertaine, les Guinéens se sont pressés dès l’aube dans les différents bureaux de vote du pays, à l’instar de Saidou Cissé, un médecin à la retraite de 67 ans cité par l’AFP, qui affirme être "pressé d’en finir avec l’ancien système, la gabegie et les détournements. Avant, celui qui s’asseyait au pouvoir, la caisse était pour lui et sa famille. Résultat : la Guinée est riche avec sa bauxite, son fer, etc., mais on vit misérablement".
Les électeurs guinéens doivent choisir leur nouveau président parmi les deux candidats arrivés en tête à l’issue du premier tour, qui s’est déroulé le 27 juin dernier. L’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), et l’opposant historique Alpha Condé, chef du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), avaient alors respectivement obtenu 43 % et 18 % des suffrages exprimés. Des résultats qui permettent à Cellou Dalein Diallo d’aborder ce second tour en position de force, d’autant plus que celui-ci a enregistré le ralliement de Sidya Touré, candidat de l’Union des forces républicaines (UFR) arrivé en troisième position au premier tour avec 13 % des voix, le 28 juillet.
Reports, tensions et incertitude
"Les jeux sont loin d’être faits, c’est aujourd’hui une nouvelle élection qui commence dont les résultats pourraient être beaucoup plus serrés que ce que laissent entendre ceux du premier tour", tempèrent toutefois plusieurs observateurs de la scène politique guinéenne. "Il s’est passé beaucoup de choses ces quatre derniers mois. Alpha Condé, en particulier, a fait une bonne campagne : il s’est rendu dans plusieurs régions du pays, obtenant le ralliement de candidats appartenant à des ethnies différentes de la sienne. Le leader du RPG espère en outre empocher les voix des abstentionnistes. Au premier tour, 50 % des électeurs n’avaient pas voté", explique de son côté Pauline Simonet, l’envoyée spéciale de France 24 à Conakry.
Leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, issu de l'ethnie peule, est arrivé en tête du premier tour, le 27 juin, recueillant 43,62 % des suffrages. Premier ministre de décembre 2004 à avril 2006, il fut, pendant de longues années, un cacique du Parti de l’unité et du progrès (PUP) de l'ancien président Lansana Conté, avant de rejoindre l’opposition. Considéré comme l’un des principaux opposants à l'ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara, il fut grièvement blessé lors du massacre du 28 septembre 2009 à Conakry, dans lequel plus de 150 personnes ont trouvé la mort.
Candidat du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), Alpha Condé, qui appartient à l'ethnie malinké, est arrivé en deuxième position au premier tour de scrutin, avec 18,25 % des voix. Opposant historique des deux premiers chefs de l'État guinéen, Sékou Touré (1958-1984) et Lansana Conté (1984-2008), il a déjà participé à deux présidentielles, en 1993 et en 1998. Longtemps exilé en France, incarcéré au lendemain de la présidentielle de 1998, il a été condamné en 2000 à cinq ans de prison pour "atteintes à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national", avant d’être gracié en 2001.
L’entre-deux-tours a également été marqué par trois reports successifs du second tour de scrutin – qui aurait dû initialement se dérouler le 18 juillet, puis le 19 septembre, et enfin le 24 octobre –, sur fond d’accusations de fraudes, de luttes d’influence au sein de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), et de tensions ethniques entre Peuls et Malinkés, les ethnies dont sont respectivement issus Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé.
"Beaucoup d’incertitudes demeurent. L’atmosphère est beaucoup moins festive qu’au premier tour. Les affrontements qui se sont produits entre les deux communautés ont fait monter la tension entre les deux camps. On craint de nouveaux incidents", poursuit Pauline Simonet.
Vendredi cependant, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé ont conjointement lancé un appel au calme, invitant "tous les citoyens et citoyennes [de Guinée à accomplir] leur devoir de citoyen dans la paix, le calme et la sérénité", et à faire en sorte que "la journée électorale du 7 novembre ainsi que la période post-électorale [soient] un moment historique de confraternité retrouvée".
"Nous, les militaires (...), sommes résolus à accompagner et enraciner la démocratie", a solennellement réaffirmé pour sa part le général Sékouba Konaté, président de la transition depuis dix mois.
Les résultats provisoires du scrutin ne devraient pas être connus avant mercredi.