Les Birmans votent dimanche lors d'élections parlementaires et régionales sans grand suspense : les deux grands partis sont très proches du pouvoir, l'opposition est privée d'Aung San Suu Kyi, et la campagne entâchée d'irrégularités.
AFP - Les bureaux de vote ont ouvert dimanche en Birmanie, premières élections depuis 20 ans dénoncées comme une mascarade en Occident en l'absence de l'opposante Aung San Suu Kyi, mais vues par une partie de l'opposition comme une étape vers une évolution à terme du régime militaire.
Plus de 29 millions de personnes étaient appelées aux urnes dans quelque 40.000
bureaux de vote, pour un scrutin déjà marqué par des accusations de fraude contre le parti pro-junte.
En 1990, l'élection avait été remportée par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de la lauréate du prix Nobel de la paix, qui n'a jamais été autorisée à prendre le pouvoir et demeure aujourd'hui en résidence surveillée.
Mais la LND boycotte ce scrutin et a en conséquence été dissoute.
Campagne déséquilibrée
Cette fois, soulignent les experts, le régime a pris ses précautions pour s'assurer de la victoire, avec parmi les enjeux majeurs la question de la participation, qui a fait l'objet d'un violent débat au sein de l'opposition.
La très controversée constitution de 2008 réserve un quart des sièges aux militaires en activité dans les deux assemblées nationales et les 14 assemblées régionales qui vont être créées.
Et la campagne électorale a été organisée pour favoriser le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP), créature de la junte, et dans une moindre mesure le Parti de l'unité nationale (NUP), proche de l'ancien régime du général Ne Win (1962-1988).
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a dénué dimanche au scrutin toute crédibilité. "Nous regardons aujourd'hui la Birmanie tenir des élections faussées qui, une fois encore, mettent en lumière les abus de la junte militaire", a-t-elle déclaré à l'Université de Melbourne.
L'opposition s'avance principalement avec deux petits partis, la Force démocratique nationale, créée par les transfuges de la LND opposés au boycott, et le Parti démocrate.
Mais ils n'ont pu aligner chacun qu'un peu plus de 150 candidats pour les quelque 1.160 sièges qui restent à pourvoir.
La campagne a été réduite à sa plus simple expression par la junte, provoquant un immense déficit d'information pour les électeurs.
"Je ne connais aucun parti. Je voterai en fonction de ce que me dira ma mère. Je n'attends rien", a indiqué à l'AFP Myo Zaw, 22 ans, livreur de journaux à Rangoun.
Observateurs et journalistes interdits
La junte a fait face ces derniers jours à de nombreuses accusations de fraude.
Les deux principaux partis de l'opposition et plusieurs partis représentant les minorités ethniques, dont les relations avec le pouvoir sont de plus en plus tendues et font craindre des affrontements armés, ont accusé l'USDP d'avoir recueilli illégalement des voix cette semaine en faisant signer des électeurs prétendument indisponibles dimanche.
Le réseau internet a par ailleurs fait face à un ralentissement et à des coupures sporadiques, certains dénonçant une tentative du régime d'empêcher les informations de sortir du pays.
Les autorités, qui ont sensiblement renforcé les mesures de sécurité, ont également interdit l'entrée sur le territoire d'observateurs et médias étrangers, proposant aux journalistes et diplomates en poste à Rangoun des visites organisées des bureaux de vote. Une offre que l'Union européenne a rejetée.
Mais certains experts et activistes estiment malgré tout que ce scrutin est une étape-clé vers une évolution du paysage politique, même s'il ne faut pas compter en mois, mais en années, pour espérer une véritable ouverture.
"L'opposition ne peut gagner. Mais ça ne veut pas dire que ces élections sont sans conséquence", estime ainsi David Steinberg, expert de la Birmanie à l'université Georgetown (Etats-Unis). "C'est la première élection en 50 ans où il peut y avoir des voix de l'opposition au parlement. C'est significatif".