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Les législatives birmanes du 7 novembre - les premières organisées dans le pays depuis 1990 - ne réservent guère de surprises. Opposition muselée, règles du scrutin biaisées : la junte militaire au pouvoir a tout fait pour s'assurer la victoire.

Pour la première fois depuis 1990, la junte birmane convoque dimanche près de 29 millions d’électeurs aux urnes pour des élections législatives sans enjeu. Opposition politique réprimée, minorités bâillonnées et frontières verrouillées : la Birmanie, dirigée par les militaires depuis 1962, n’a rien d’une démocratie.

"Les militaires n’ont pas l’intention de partager le pouvoir"

La crédibilité du scrutin du 7 novembre est largement mise en doute par les capitales occidentales qui soupçonnent les généraux de manœuvrer pour consolider leur mainmise sur le pays.

Au total, plus de 3 000 candidats, issus de 37 partis, vont  briguer les 1 160 sièges des assemblées nationale et régionales que compte le pays. Mais un quart de ces sièges sont déjà réservés aux militaires en activité. Pis, de nombreux officiers ont abandonné l'uniforme pour être en conformité avec la mutation "civile" du régime, décrétée par la nouvelle Constitution votée en 2008. Celle-ci a été établie par les généraux, selon une "feuille de route vers une démocratie disciplinée", dans le but de calmer les esprits après la répression sanglante de la révolution safran (menée par les opposants au régime et tirant son nom de la couleur de l'habit des moines) de 2007.

Des militaires en uniforme, des militaires en civil : de facto, la victoire ne pourra échapper au pouvoir en place. Les deux tiers des candidats représentent en fait deux formations pro-junte : le puissant Parti de la solidarité et du développement de l'union (USDP) et le Parti de l'unité nationale (NUP).

L’opposition birmane ne se fait pas d’illusions. "Cette élection n’est pas libre car elle n’a rien de démocratique. Tout le monde sait que les militaires n’ont pas l’intention de partager le pouvoir, malgré la nouvelle Constitution", explique à France24.com un opposant birman joint par téléphone à Bangkok sous couvert d'anonymat. "Constamment harcelée par le pouvoir, l’opposition n’est pas libre de faire campagne comme elle l’entend", alors que certains partis comme la Force démocratique nationale (NDF) ont, selon lui, accepté "de jouer le jeu par principe".

Boycott et dissolution

À l'opposé, le principal parti d’opposition, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), lui, boycotte "complètement" une élection qu'il considère "totalement injuste". Lors des dernières élections législatives organisées en 1990, la LND s’était adjugé 392 des 485 sièges de l'assemblée nationale. Pourtant, elle n’avait pas été autorisée par l’armée à exercer le pouvoir.

Cette fois-ci, pour lui compliquer la tâche, la junte a édicté de nouvelles lois électorales destinées à l'écarter du scrutin. Pour avoir le droit de participer aux élections de dimanche, la LND devait, en effet, exclure sa dirigeante historique Aung San Suu Kyi, et plusieurs de ses membres détenus dans les geôles de la dictature. Son refus de le faire a entraîné la dissolution pure et simple du parti.

De toute façon, Aung San Suu Kyi était exclue d’office du scrutin, puisqu’une loi rend inéligible tout citoyen birman marié à un étranger. Prix Nobel de la paix en 1991, elle purge actuellement une peine de 18 mois de résidence surveillée qui prend théoriquement fin le 13 novembre.

Symbole de la résistance à la dictature, elle a été privée de liberté pendant quinze ans au total sur les 21 dernières années. La dissidente est aujourd’hui marginalisée, malgré l’empathie de la communauté internationale. "Les Birmans n’attendent rien de la communauté internationale, car à l’instar de l’opposition, ils savent qu’elle est impuissante face à la junte", commente l’opposant birman joint à Bangkok par France24.com.

Le Haut commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Navi Pillay, a estimé, fin octobre, que la Birmanie avait jusqu'à présent échoué à mettre en place un "processus électoral honnête". Aucun observateur étranger n'a été admis pour le scrutin. Un membre de la commission électorale a expliqué que ce n'était pas nécessaire au vu de "la grande expérience" de son institution en matière de vote et de la simplicité du code électoral…