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En revendiquant l'attentat qui a tué plus de 50 personnes dimanche à Bagdad, Al-Qaïda a pointé du doigt l’Égypte, appelant l’Église copte à "libérer" Wafa Constantine et Camélia Shehata : deux femmes qui avaient déjà suscité la polémique...

Wafa Constantine et Camélia Shehata font de nouveau parler d’elles en Égypte. Ces deux jeunes femmes coptes, qui avaient suscité de vives controverses entre chrétiens et musulmans en "disparaissant" quelques jours - l'une en 2004, l'autre cette année -, ont été replacées sur le devant de la scène cette semaine par la nébuleuse Al-Qaïda.

L'État islamique d'Irak (ISI), un groupe lié au réseau terroriste d'Oussama Ben Laden, a revendiqué lundi l'attentat contre une Église syriaque catholique de Bagdad. Cette attaque a été conduite "pour aider nos pauvres sœurs musulmanes captives dans le pays musulman d'Égypte", a déclaré le groupuscule dans un communiqué.

L'ISI donnait alors à l'Église copte 48 heures pour libérer ces femmes, "emprisonnées dans les monastères de l'incroyance et les églises de l'idolâtrie en Égypte". Un ultimatum qui a expiré mercredi : les chrétiens sont désormais des "cibles légitimes des moudjahidines", a affirmé Al-Qaïda en Irak.

En 2006 déjà, Al-Qaïda avait évoqué le nom de Wafa Constantine. "Avons-nous oublié les pressions américaines pour envoyer Wafa Constantine et ses sœurs dans les salles de torture souterraines des couvents, sous protection du pouvoir américano-croisé ?", s'interrogeait l'idéologue égyptien Ayman Al-Zahawiri dans un discours retransmis sur la chaîne Al-Jazira.

Conversion forcée ou dispute conjugale ?  

Mais qui sont Camélia et Wafa ? Épouse d’un prêtre copte, Camélia Shehata, 25 ans et mère d’un enfant, disparaît le 28 juillet dernier. Pour une partie de l’Église, il s’agit d’un enlèvement orchestré par des musulmans locaux qui veulent la forcer à se convertir à l’islam. Des centaines de coptes manifestent, obligeant le gouvernement à intervenir. Cinq jours plus tard, Camélia est retrouvée par la police, chez une amie, et "rendue" à l’Église.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Sur les sites islamistes, une autre explication à cette disparition circule : Camélia se serait enfuie de chez elle pour se réfugier chez un cheikh, afin d'achever sa conversion, décidée de longue date. Des activistes musulmans organisent eux aussi des rassemblements pour dénoncer la supposée détention de Camélia par les autorités coptes, en collaboration avec le gouvernement, et appeler à sa libération.

La troisième version, plus prosaïque, est celle d’une banale dispute conjugale. Camélia serait malheureuse en amour. Le divorce étant impossible pour les coptes, la conversion à l’islam est, pour certains, la seule solution pour mettre fin à leur mariage.

L’affaire Wafa Constantine

L’affaire Wafa Constantine, qui a éclaté en décembre 2004, est très similaire. Mariée à un prêtre copte, elle disparaît elle aussi. Conversion forcée pour les uns, séquestration par l’Église pour d’autres, ou simple mésentente conjugale… Son cas provoque manifestations et échauffourées. À l’époque, le pape Chenouda III s’en mêle et menace d’annuler les fêtes de Noël si Wafa ne revient pas. Les autorités la remettent finalement aux coptes. Wafa Constantine vivrait depuis dans un couvent.

Depuis, ni Wafa ni Camélia ne se sont expliquées. "Ce sont elles qui ne souhaitent pas apparaître en public, par peur de représailles des extrémistes, a affirmé Monseigneur Marcos à FRANCE 24 au Caire. Ce n'est pas l'Église qui les cache."

Dans cette vidéo (en arabe), qui a été diffusée sur Internet, une femme affirmant être Camélia Shehata réaffirme sa foi chrétienne. "Je vous parle librement, sans pression ni intimidation, pour défendre mon mari, mon fils et ma religion", dit-elle.

L’ampleur de ces polémiques est un révélateur des tensions entre chrétiens et musulmans. Il y a bientôt un an, à la veille du Noël copte, six coptes avaient été tués à Nagaa Hamadi, dans le sud de l’Égypte. "Ces tensions sont le résultat de l’oppression qu’exerce le gouvernement sur ses citoyens, explique Rafik Habib, chercheur égyptien spécialiste de la question copte. L’État devrait accorder plus de libertés aux musulmans et aux chrétiens pour apaiser la situation."

"Unité nationale"

Quelques jours après l’ultimatum lancé par Al-Qaïda, les différentes communautés affichent pourtant leur unité. "Tout le monde répète ici que cet ultimatum était inacceptable, explique Tamer Ezzedine, correspondant de FRANCE 24 au Caire. Même les responsables musulmans ont dit que le gouvernement devait protéger les chrétiens".

Le grand imam de l’institution sunnite d’Al-Azhar, proche du gouvernement, a effectivement condamné les menaces d’Al-Qaïda, indiquant qu’elles ne servaient que "ceux voulant porter atteinte à l’unité nationale". L’organisation islamiste des Frères musulmans a également dénoncé ces "menaces stupides". "Les Frères musulmans avertissent tout le monde - et en premier lieu les musulmans - que la protection des lieux de culte de tous les enfants des religions monothéistes est la mission de la majorité musulmane", a écrit la confrérie sur son site internet.

"Nous faisons confiance au gouvernement pour assurer notre sécurité, a ajouté Monseigneur Marcos. Nous ne sommes pas inquiets. L'Église n'a pas demandé de renforcement des mesures de sécurité, elle estime qu'il relève de la responsabilité de l'État de nous protéger et que cela est suffisant."

Le pouvoir aurait cependant discrètement renforcé la sécurité autour de lieux de culte coptes.