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Le juge Courroye contraint d'ouvrir une information judiciaire

Le procureur général de Versailles a demandé au procureur de Nanterre d'ouvrir une information judiciaire dans l'affaire Bettencourt. Une procédure qui entraîne la saisine de trois juges d'instruction.

AFP - Contraint et forcé, le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a abandonné vendredi l'intégralité des enquêtes préliminaires liées à l'affaire Bettencourt à trois juges d'instruction de Nanterre, comme le lui avait ordonné le procureur général de Versailles.

Philippe Courroye "a obéi à la lettre" aux instructions données par son supérieur hiérarchique, le procureur général de Versailles, en ouvrant vendredi "une seule information judiciaire" délivrée contre X regroupant les quatre enquêtes préliminaires qu'il menait jusqu'ici.

Cette ouverture entraîne la désignation par le président du tribunal de Nanterre, Jean-Michel Hayat, de trois juges, chargées d'instruire un dossier colossal aux multiples chefs d'accusation: Sabine Kheris, Nathalie Turquey et Anne Vincent.

Le procureur général de Versailles, Philippe Ingall-Montagnier, avait ordonné l'ouverture d'une information judiciaire, procédure indispensable pour demander à la Cour de cassation de sortir la totalité de l'affaire Bettencourt du tribunal de Nanterre.

Les trois magistrates pourraient donc être dessaisies si la Cour de cassation se prononçait en ce sens.

Objet de vives critiques pour sa gestion de l'affaire par l'opposition et les syndicats de magistrats qui lui reprochent son entêtement et sa proximité avec le pouvoir, le procureur n'avait pas d'autre choix.

"Si j'étais musicien, ce serait une symphonie inachevée", a regretté sur Europe 1 le magistrat "évidemment déçu", même si "la symphonie inachevée de Schubert n'est pas la moins réussie".

"Dans trois semaines, un mois, à la fin du mois de novembre nous étions en mesure de récupérer tous les éléments de cette procédure et à ce moment-là de prendre des décisions", a affirmé le procureur, ajoutant que "toutes les hypothèses étaient possibles".

La veille, dans un entretien au Figaro.fr, Philippe Courroye, qui se défendait d'être le "propriétaire de ses enquêtes", ne tarissait pas d'éloge sur le "travail considérable" du parquet, un "modèle du genre".

Proche de Nicolas Sarkozy, le procureur Courroye menait quatre enquêtes préliminaires dans cette affaire familiale qui a débordé sur le terrain politique, dont deux volets sont susceptibles de gêner Eric Woerth, l'une pour financement illégal politique et l'autre pour trafic d'influence.

Interrogé sur sa proximité avec le président de la République, le magistrat a rétorqué: "Il serait temps de refermer la boîte à fantasmes".

Au sujet de l'enquête pour financement politique illégal, Philippe Courroye assure que "l'enquête est partie d'un témoignage, celui de Claire Thibout, ancienne comptable de Mme Bettencourt (...) Or, en droit, preuve unique, preuve nulle", a-t-il dit.

Toutefois, "je n'aurais pu vous répondre que lorsque tous les éléments d'enquête seraient revenus", a-t-il poursuivi, en ajoutant qu'il aurait entendu Eric Woerth s'il avait gardé la main.

S'il doit lâcher prise, ce n'est donc pas, selon lui, pour la qualité de son travail mais pour procéder à une demande de dépaysement, devenu nécessaire pour "assurer un traitement serein de la justice, troublée par certains comportements en lien avec l'enquête pour abus de faiblesse", affirmait jeudi le procureur.

Il attaquait sans la nommer la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez, qui a décidé, contre l'avis du parquet, de juger la plainte pour abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt, visant l'artiste François-Marie Banier.

Le volet abus de faiblesse doit lui aussi quitter le tribunal de Nanterre sur demande du procureur général de Versailles.