Le parquet de Paris a requis un non-lieu en faveur du groupe Total et du sénateur UMP Charles Pasqua, mis en examen dans l'enquête sur d'éventuels détournements de fonds en marge du programme onusien en Irak baptisé "Pétrole contre nourriture".
AFP - Le parquet de Paris a requis un non-lieu pour l'ancien ministre Charles Pasqua et l'entreprise Total dans l'enquête sur des malversations présumées au sein du programme onusien en Irak "Pétrole contre nourriture", a-t-on appris lundi de sources proches du dossier.
L'enquête, ouverte en 2002, s'était orientée vers diverses personnalités françaises soupçonnées d'avoir perçu au début des années 2000 des commissions occultes sous forme d'allocations de barils de pétrole du régime irakien de Saddam Hussein, en violation du programme de l'Onu "Pétrole contre nourriture".
Au total, 20 personnes physiques, dont l'une est décédée depuis, et deux entreprises, Total et Vitol, ont été mises en examen dans ce dossier.
Le parquet de Paris avait déjà pris des réquisitions en septembre 2009 mais un nouveau juge chargé de l'enquête, Serge Tournaire, avait finalement mis en examen le 27 février le groupe Total en tant que personne morale pour corruption d'agent étranger, complicité et recel de trafic d'influence.
Cette décision a relancé l'enquête et amené le parquet à prendre de nouvelles réquisitions.
Le parquet a notamment considéré que l'enquête n'avait pas permis de démontrer que le patron de Total, Christophe de Margerie, s'était rendu complice d'abus de biens sociaux et que M. Pasqua s'était livré à du trafic d'influence.
Il a requis "en milieu de semaine dernière" un non-lieu en leur faveur, de même que pour Total en tant que personne morale, selon ces sources.
Le parquet a par ailleurs requis le renvoi en procès d'une dizaine de personnes. Il revient désormais au juge Tournaire de décider leur éventuel renvoi devant le tribunal correctionnel.
Au coeur de cette investigation se trouve la politique de surfacturation imposée par le régime de Saddam Hussein pour contourner le programme onusien permettant à Bagdad de vendre du pétrole en échange d'aide humanitaire et de produits alimentaires.
En France, l'enquête avait débuté mi-2002 sur des soupçons d'éventuels abus de biens sociaux de cadres de Total via une société en Suisse, Telliac, pour obtenir des marchés en Irak. Le plus grand groupe français a toujours nié avoir contourné l'embargo onusien.
En 2004, l'enquête de l'ONU a mis au jour le détournement du programme "pétrole contre nourriture" : l'Irak délivrait des allocations de barils de pétrole à des "amis" en échange de leur lobbying pour la levée des sanctions qui frappait le pays. La France était l'un des pays les plus concernés.
Ces révélations provoquèrent la réorientation de l'enquête vers des personnalités françaises susceptibles d'avoir bénéficié de largesses du régime de Saddam Hussein en échange de leur lobbying réel ou supposé.
Parmi ces personnalités politiques figurent M. Pasqua, son conseiller diplomatique, Bernard Guillet ou encore l'ambassadeur de France aux Nations unies de 1991 à 1995, Jean-Bernard Mérimée.
La commission d'enquête dirigée par l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, sur les dérapages et les malversations de ce programme avait mis en cause quelque 2.200 entreprises issues de 66 pays, dont la Russie, la France et la Chine. Parmi elles, près de 180 étaient françaises.
En janvier, Bagdad a entamé une procédure aux Etats-Unis pour demander des réparations à des sociétés étrangères ayant violé le programme.