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La nomination d'un Malien à la tête de la Céni ouvre la voie à la tenue du second tour

Saluée par les deux camps, la désignation de Siaka Toumani Sangaré à la tête de la Commission électorale ouvre la voie à la tenue du second tour de la présidentielle, prévue ce dimanche. La société civile s'inquiète de problèmes techniques.

Dans un camp comme dans l'autre, on affirme, ce mercredi, "être prêt". La désignation, mardi, d'un nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), le Malien Siaka Toumani Sangaré, a mis fin à la crise politique qui paralysait l'institution, ouvrant ainsi la voie à la tenue du second tour de la présidentielle, prévue ce dimanche.

Le camp de Cellou Dalein Diallo, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) arrivé en tête au premier tour, réclamait le départ de son prédécesseur, Louncény Camara, jugé trop proche du chef du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), Alpha Condé, l'autre finaliste du scrutin.

Général malien, Siaka Toumani Sangaré était, jusqu'à présent, conseiller technique de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) auprès de la Céni.

Sa nomination soulage également la France, ancienne puissance coloniale de la Guinée. La "désignation" du général Sangaré "vient mettre un terme salutaire à plusieurs semaines de contentieux sur la composition de la Céni, marquées par des incidents graves, menaçant la tenue du second tour de scrutin", s'est félicité Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères.

"Les Guinéens ne se font plus confiance"

"Nous sommes très satisfaits de cette désignation, affirme Aziz Diop, secrétaire exécutif du Conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC). Pour nous, il n'est pas un étranger, il connaît très bien le pays. Il a participé à la mise en place technique du dispositif électoral, au découpage des circonscriptions... Il maîtrise parfaitement le processus. À partir du moment où il y a un consensus sur sa personne, sa nationalité n'est pas importante."

Fait exceptionnel, la nomination d'un étranger à la tête de la Céni est, malgré tout, le symptôme des divisions profondes qui traversent le pays, assure Moustapha Diop, chercheur associé au Centre d'études des mondes africains (CEMAf). "Cela montre que les Guinéens ne se font plus confiance, qu'ils sont incapables de régler eux-mêmes leurs problèmes internes", explique-t-il.

"La société civile joue depuis très longtemps un rôle fondamental pour entretenir le dialogue politique. Mais certains de ses membres sont entrés dans le gouvernement de transition et ont perdu leur crédibilité et leur neutralité. Il n'y a donc plus de médiateur ou d'homme de consensus", poursuit celui-ci.

"Sept ordinateurs de la Céni ont été volés hier"

Avec la nomination de Siaka Toumani Sangaré, accueillie favorablement par toutes les parties, l'obstacle principal à la tenue du second tour de la présidentielle est levé. L'UFDG de Cellou Dalein Diallo comme le RPG d'Alpha Condé ont répété leur volonté d'aller aux urnes ce dimanche.

Du côté de la société civile toutefois, des inquiétudes quant à l'organisation du scrutin subsistent. Ainsi, pour Aziz Diop, il serait souhaitable de reporter le vote d'une semaine. "Il faut que le matériel électoral puisse être acheminé, que la mise en place des bureaux de vote soit assurée... Il est très difficile d'aller sur le terrain, il n'y a pas de routes, certaines régions sont enclavées. Sept ordinateurs de la Céni ont été volés hier, il y a un sabotage évident. S'il y a des problèmes techniques, cela donnera l'opportunité au perdant de contester le scrutin. Une semaine, ce n'est pas grand chose quand l'avenir d'un peuple est en jeu."

Mardi, des heurts entre des partisans de Cellou Dalein Diallo et les forces de l'ordre ont fait deux morts et une trentaine de blessés à Conakry. Un signe supplémentaire, pour Moustapha Diop, de l'urgence d'en finir avec l'élection. "Ce processus électoral n'a que trop duré, toutes les affaires sont bloquées, les Guinéens ont beaucoup souffert, assure-t-il. Dans chaque camp, il y a des jeunes incontrôlables qui ne respectent pas les consignes des partis."

"La désignation d'un nouveau président ne résoudra pas tous les problèmes : 50 années d'impunité, d'arbitraire, d'injustices et de frustrations ont poussé la population à s'enfermer dans des logiques communautaires, poursuit-il avant de conclure : le nouveau chef de l'État devra absolument tendre la main à tous les Guinéens."