
Poursuivie par la justice française, la compagnie aérienne irlandaise Ryanair a annoncé la fermeture prochaine de sa base de Marseille. Si un syndicat d’Air France salue "une victoire", la direction de l’aéroport déplore elle "un coup dur".
Les avions irlandais vont se faire de plus en plus rares dans le ciel de Marseille. La compagnie aérienne Ryanair a annoncé mercredi la fermeture en janvier 2011 de sa plateforme à l’aéroport Marseille-Provence, ce qui signifie que de nombreuses destinations ne devraient plus être desservies.
En cause, la mise en examen fin septembre de la compagnie irlandaise pour "travail dissimulé", suite à la plainte de plusieurs syndicats de personnels.
Il est reproché à Ryanair d’appliquer la réglementation du travail irlandais à ses employés basés à Marseille, au motif que ceux-ci travaillent dans des avions immatriculés en Irlande.
Le départ de Ryanair, "une grande victoire"
"Je suis ravie que Ryanair parte de l’aéroport" se félicite Geneviève Hamy, salariée d’Air France et représentante syndicale Sud Aérien. Contactée par France 24, elle salue "une grande victoire qui vient couronner un combat entamé dès l’arrivée des compagnies low-cost en 2004".
Elle estime que les répercussions économiques de ce départ ne seront "pas si terribles que ca", car, selon elle, "les touristes continueront de venir, via de nouvelles compagnies qui vont pouvoir elles aussi se tourner vers la méditerranée ou les pays anglo-saxons".
Un point de vue que ne partage pas la direction de l’aéroport. Interrogé par France 24, le directeur général de l’aéroport Marseille-Provence, Pierre Régis, déplore un "coup dur qui fragilise la situation économique du territoire." En cause, selon lui, le décret "scélérat" de 2006, "qui met en péril les aéroports français par rapport aux aéroports étrangers". "Si c’est comme ça qu’on défend les intérêts français, je dis chapeau !", lance-t-il à l’adresse de ceux qui sont à l’origine du décret, sans préciser de qui il s’agit.
Dans un communiqué de presse, le maire de Marseille dénonce lui le "comportement irresponsable des syndicats" et estime que le grand gagnant de ce départ est "le groupe Air France qui retrouve ainsi son monopole en imposant aux Français des tarifs beaucoup plus élevés".
Une accusation rejetée par Geneviève Hamy, qui s’étonne que "M. Gaudin ne soit pas choqué quand le droit français n’est pas appliqué". "Les gens vont désormais faire appel à des compagnies qui appliquent la loi, et qui respectent leurs employés et leurs clients" estime-t-elle.
Hasard du calendrier, l’annonce mercredi du départ de Ryanair coïncide avec l’arrivée de Transavia, la filiale à bas coûts d'Air France, qui a fait savoir le même jour qu’elle s’implanterait à Marseille-Provence à partir du 22 octobre.
"Des emplois irlandais sur des avions irlandais"
Le départ de Ryanair pourrait cependant ne pas être définitif, car la compagnie estime appliquer à la lettre le droit européen. N’ayant aucun employé au sol à Marseille, elle n’est pas tenue de respecter la législation française du travail. Elle sous-traite en effet ses activités au sol à des sociétés spécialisées, une pratique répandue dans le milieu, même auprès des grandes compagnies comme Air France.
Concernant son personnel navigant, celui visé par la plainte, 200 salariés sont basés à Marseille et seront affectés à d’autres aéroports, après le départ de la compagnie. La législation irlandaise du travail leur est appliquée, car la compagnie considère qu’ils travaillent sur le territoire irlandais dès l'instant où ils pénètrent dans la carlingue d’un avion Ryanair.
Si les pratiques de la compagnie à bas coûts semblent conformes aux réglementations européennes, elles vont en revanche à l’encontre d’un décret français publié le 21 novembre 2006, qui soumet les personnels navigants des compagnies étrangères installées en France au droit français.
"Ces emplois ne sont pas français. Ce sont des emplois irlandais à bord d'avions irlandais puisqu'ils sont considérés comme territoire irlandais par la réglementation de l'UE" a indiqué mercredi en conférence de presse le PDG de Ryanair, Michael O’Leary. "Si les juges, qu'ils soient français ou européens, venaient à dire que la législation européenne s'impose sur la législation française, nous serions ravis de rouvrir notre base ici", a-t-il ajouté.