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Terry Gou, le controversé patron de l'empire Foxconn

Autodidacte aujourd'hui milliardaire, le Taïwanais Terry Gou gère, en Chine, la plus grande usine de gadgets informatiques au monde. Un complexe industriel où les cadences de travail infernales ont valu à son propriétaire d'être taxé d'esclavagiste.

L’empire Foxconn serait un univers "concentrationnaire". Un rapport de chercheurs chinois, taïwanais et hong-kongais, consulté par le quotidien francais "Libération", compare cette immense machine à construire des gadgets informatiques (iPad, téléphones Nokia, etc.) à une usine à détruire les hommes. À la tête de quelque 900 000 employés affairés à réaliser les rêves high-tech du monde entier, Terry Gou ne s’attendait pas à une telle attaque en règle.

Depuis plus de 40 ans, ce Taïwanais de 61 ans a amassé, dans l'ombre de grands groupes technologiques comme Apple ou Microsoft, une fortune aujourd’hui estimée à 5,5 milliards de dollars. Il serait, d’après "Forbes", le 136e homme le plus riche du monde. Et jusqu’à récemment personne, ou presque, ne trouvait quelque chose à redire aux méthodes de celui qu'on a longtemps surnommé "le Herny Ford de l’Asie triomphante".

Candide

Mais les 14 suicides recensés cette dernière année au sein de son entreprise sont venus se mettre en travers de l’ascension de cet autodidacte. "Après les trois premiers morts, je ne pensais vraiment pas que cela pouvait poser un problème", reconnaît candidement Terry Gou à "Businessweek", l’hebdomadaire de la chaîne économique Bloomberg. Ce n’est qu’au neuvième décès, en mai dernier, qu’il prend la mesure du tollé médiatique. D’autant que les groupes pour lesquels il travaille goûtent peu les dégâts collatéraux que cette vague de suicides peut entraîner sur leur image.

Terry Gou promet alors des augmentations de salaires de 60 %, engage des psychologues du travail et ouvre à quelques journalistes les portes de son usine, jusque-là aussi bien gardée qu’un camp militaire. Des mesures qui ne seraient que du vent pour les chercheurs qui ont rédigé le rapport accusateur sur la base de témoignages fournis par des milliers d’employés.

90 iPod par minute

C’est qu’on ne se refait pas comme ça. Terry Gou a, en effet, une vision très particulière du travail. "Une personne qui a faim a l’esprit plus clair", "un environnement dur est une bonne chose" : les maximes que le milliardaire a fait placarder dans son complexe de 22 km2 sont pour le moins explicites. Mis en parallèle avec les accusations d’"esclavagisme" et avec les cadences infernales auxquelles sont soumis les salariés, ces slogans sont du plus mauvais effet.

Mais dans l’esprit de l'entrepreneur taïwanais, ils sont surtout le reflet de son parcours. Terry Gou n'a que 23 ans lorsqu'il ouvre, en 1974, à Taipei, son premier atelier de pièces détachées informatiques grâce à un prêt de 7 500 dollars contracté auprès de sa mère. C’est l’époque des vaches maigres, du démarchage au porte-à-porte. Six ans plus tard, en 1980, il décroche son premier gros client : le constructeur de console de jeu Atari. Mais son coup de maître aura été d’être l’un des premiers à avoir entrevu l’avènement de la Chine sur le marché de la main-d’œuvre à bas prix.

Il s’y installe au début des années 1990 et construit petit à petit le complexe industriel le plus efficace au monde. Aujourd’hui, sa méga-usine de Longhua, dans le sud de la Chine, peut construire 90 iPod par minute. Un système qui a permis à Terry Gou de bâtir sa colossale fortune et de s’acheter un château... en République tchèque.

Aujourd'hui, les décisions de cet homme peu connu du grand public peuvent avoir un impact majeur sur les habitudes de consommation. Depuis mardi, des rumeurs circulent sur sa volonté d’augmenter ses tarifs, affolant les analystes quant à d’éventuelles répercussions sur le prix de tous ces gadgets électroniques à la mode.

Crédit photo : Intérieur de l'usine Foxconn à Shenzhen (Steve Jurvetson, sur Flickr)