Un juge d'instruction a perquisitionné à deux reprises le siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans le cadre de l'enquête sur l'enlèvement de Ben Barka en 1965 à Paris. Une première pour un lieu classé secret-défense.
AFP - Pour le première fois depuis que le lieu a lui même été classé secret-défense, un juge d'instruction a perquisitionné le siège de la DGSE afin de connaître ce que les services secrets français savent de l'enlèvement de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris.
Le juge Patrick Ramaël a mené une perquisition à deux reprises, le 29 juillet puis le 3 août, au siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), boulevard Mortier à Paris (XXe arrondissement), selon des sources proches du dossier.
Il s'agit de la première application des nouvelles dispositions relatives à la protection du secret de la défense de la loi du 29 juillet 2009 qui a instauré une classification non seulement des documents, mais aussi des lieux les abritant, selon ces sources.
Cette notion de "lieux protégés" avait provoqué de vifs débats à l'Assemblée nationale et fait craindre l'instauration de "zones de non-droit législatives" avant qu'un compromis ne soit trouvé.
C'est donc accompagné du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), Jacques Belle, comme le prévoit cette nouvelle loi, que le juge s'est présenté à la "Piscine", demandant sur place puis obtenant du ministre de la Défense, Hervé Morin, la déclassification temporaire du lieu.
Au service des archives centrales, il a fait saisir 23 dossiers d'époque du Sdece -Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, devenu DGSE en 1982- sur la disparition de l'opposant marocain, selon ces sources.
Mehdi Ben Barka, opposant au roi Hassan II et figure du tiers-mondisme, a disparu le 29 octobre 1965 à Paris, lors d'une opération menée par les services marocains avec la complicité de policiers et de truands français.
L'affaire n'a jamais été totalement élucidée. Le corps de Ben Barka n'a jamais été découvert. L'enquête sur cet enlèvement est régulièrement source de tensions entre la France et le Maroc, la famille de la victime ne cessant de dénoncer une absence de volonté des deux pays pour faire éclater la vérité.
Les dossiers saisis à la DGSE, dont font également état France 3 et Charlie Hebdo, ont été placés sous scellés par le président de la CCSDN. Ils comprennent chacun un ou plusieurs documents et concernent des personnes soupçonnées d'être impliquées ou d'avoir eu connaissance de l'enlèvement de Mehdi Ben Barka, selon ces sources.
Parmi ces dossiers figurent ainsi celui du roi Hassan II, du général Mohamed Oufkir -condamné par contumace à la réclusion à perpétuité en 1967 lors d'un premier procès-, de Medhi Ben Barka, de correspondants du Sdece et de malfrats soupçonnés d'avoir trempé dans l'enlèvement.
Ont également été saisis les dossiers concernant le général Hosni Benslimane, ex-capitaine aujourd'hui chef de la gendarmerie royale, et Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, un membre présumé du commando marocain auteur de l'enlèvement.
Hosni Benslimane et Miloud Tounsi sont deux des quatre Marocains visés par un mandat d'arrêt international émis par le juge Ramaël en octobre 2007 et bloqués depuis par le ministère de la Justice.
La CCSDN doit publier d'ici la fin de semaine son avis sur la déclassification des documents saisis, selon une source proche du dossier. Il revient au ministre de la Défense, Hervé Morin, de suivre ou ou non cet avis et de déclassifier ou pas les documents qui intéressent le magistrat. La quasi-totalité des avis de la CCSDN ont été suivis.