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L'offensive américaine contre le yuan irrite Pékin

Le projet de loi voté par la Chambre des représentants américains contre la sous-dévaluation de la monnaie chinoise constitue l'une des premières traductions concrètes de la guerre commerciale que se livrent Pékin et Washington.

Pour certains, c’est une déclaration de guerre commerciale. Pour d’autres, un avertissement sans frais lancé à la Chine. Mais tous s’accordent à reconnaître que la "loi sur le yuan", adoptée mercredi par la Chambre des représentants américains, constitue l’une des premières traductions concrètes de la guerre des mots que se livrent Pékin et Washington sur les soupçons de manipulation des cours du yuan. Explication de texte (retrouvez le projet de loi dans son intégralité en anglais).

Chine ou pas Chine ? Le texte ne cite aucun pays nommément. Mais la cible de la "Currency Reform for Fair Trade Act" ("Loi de réforme monétaire pour un commerce équitable") est claire : sont visés les États qui influencent leur marché des changes, et dont la monnaie est "fondamentalement sous-évaluée". Au cas où Pékin n'aurait pas compris le message, le texte épingle également de façon spécifique "les États qui n’ont pas adopté une économie de marché".

Que propose la loi ? Le texte stipule qu’un pays manipulant sa monnaie peut être soumis à des taxes douanières sur l’importation de ses biens. La Chine peut toutefois s’estimer heureuse. Dans une première mouture, les États-Unis avaient en effet l’intention de mettre en place une taxe générale sur tous les biens importés d’un pays. Au final, le projet adopté par la Chambre des représentants prévoit des taxes au cas par cas. Ce lien établi entre monnaie et sanctions économiques est sans précédent. Jeudi, la Chine a estimé qu’une telle disposition serait contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Qui décide des sanctions ?  Le texte prévoit que les sanctions puissent être décidées par le secrétaire américain au Commerce. Il reviendra donc au gouvernement, et au final au président américain, de prendre ces mesures de rétorsion, qui n’auront pas à recevoir l’aval du Congrès. En revanche, un flou certain entoure l’organe chargé de décider si un État manipule ou non sa monnaie. Dans le texte, il est juste fait mention d’une "autorité compétente".

Qui a voulu cette loi ? Elle a été introduite il y a un an par des parlementaires démocrates. Mais, phénomène assez rare en cette période pré-électorale, la Chambre des représentants a voté massivement pour (348 voix pour, 79 contre). Quelque 99 représentants républicains ont rejoint les troupes démocrates. Cette attaque commerciale contre la Chine doit cependant encore attendre avant d'être officiellement lancée puisque elle doit obtenir l'aval du Sénat. Le "New York Times" estime qu’en raison de l’agenda politique, il y a peu de chance que le texte se retrouve à l’ordre du jour des sénateurs avant les élections de mi-mandat du 2 novembre.

Quel impact économique ? Le commerce entre les États-Unis et la Chine représente chaque année près de 300 milliards de dollars. En cas d’escalade de sanctions commerciales entre les deux pays, le volume des échanges pourrait très vite se réduire et pénaliser les entreprises américaines qui exportent vers la Chine. Mais lors de la présentation de ce projet de loi, les démocrates qui l’ont promu ont soutenu que la sous-évaluation du yuan était déjà une petite catastrophe pour l’économie américaine. Ils ont en effet affirmé que la concurrence des produits chinois à bas prix avait provoqué la destruction de 1,5 million d’emplois aux États-Unis.