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Raul Castro dégraisse dans la fonction publique au profit des petits commerces

Le gouvernement a confirmé hier la suppression de 500 000 emplois publics dans les mois à venir. Ces fonctionnaires devraient être "réorientés" vers des secteurs manquant de main-d’œuvre, comme l’agriculture, mais aussi vers le travail artisanal.

La destruction des 500 000 postes s'appliquera "immédiatement" jusqu'au "premier trimestre 2011", "de façon graduelle et progressive", et "aura un impact sur tous les secteurs", précise la Centrale des travailleurs de Cuba (CTC), le syndicat unique du pays, dans un communiqué. "Notre État ne peut pas et ne doit pas continuer à entretenir des entreprises et des services dont les effectifs sont en surnombre et où les pertes sont contre-productives", précise-t-il.

Il y a un an déjà, Raul Castro avait annoncé que le gouvernement cherchait à reconvertir plus d'un million de fonctionnaires, soit 20 % des 4,9 millions d’actifs de ce pays. Ce dégraissage dans l'administration, dont les détails restent mal définis, pourrait se dérouler sur cinq ans, selon les médias cubains.

Les grands points de la réforme

Les dirigeants cubains ont, semble-t-il, défini dans les grandes lignes le plan de dégraissage dans l'administration et la réorientation professionnelle des fonctionnaires sur le départ, selon un document interne au Parti communiste de 26 pages et daté du 24 août que l'agence américaine AP a pu se procurer. 

Selon AP, ce document PowerPoint indique la marche à suivre pour savoir qui et quand licencier. Les ministères du Sucre, de la Santé publique, du Tourisme et de l’Agriculture seront les premiers concernés. Les ministères des Affaires étrangères et des Services sociaux, ainsi que l’aviation civile, figurent en bas de liste. Les plus récalcitrants au travail et les moins productifs seront les premiers remerciés.

On peut également y lire une liste d’idées de coopératives à monter, notamment élever des animaux, cultiver des légumes, conduire des taxis et réparer des voitures. Des métiers qui sont déjà courants sur le marché noir. Le gouvernement dit s’attendre à un échec important dans la création des petits commerces. "Beaucoup de commerçants risquent d’échouer en l’espace d’un an”, peut-on lire.

Le Parti communiste fait également allusion à un "nouveau système de taxes" qui sera "plus personnalisé et plus rigoureux".

Afin de proposer une "alternative" aux centaines de milliers de fonctionnaires "excédentaires", Raul Castro a annoncé en août devant le Parlement qu’ils seraient réorientés vers des secteurs manquant de main-d’œuvre, notamment le secteur agricole, et que "l'exercice du travail indépendant" serait facilité. Le président entend ainsi stimuler la production locale et réduire les dépenses alors que l'État se trouve à court de devises pour payer ses créanciers, en raison d'une baisse des recettes provenant du tourisme et de l'exportation des matières premières.

250 000 nouveaux permis de travail indépendant

"Cette décision peut être très importante, estime Janette Habel, spécialiste de l’Amérique latine et maître de conférences à l’Institut français d’Amérique latine (Ifal). Car elle peut permettre aux Cubains de s’enrichir". Ces annonces surviennent peu après la controverse autour des déclarations de Fidel Castro, qui aurait indiqué que "le modèle cubain ne marche plus".

Dans ce pays où 50 % des terres sont improductives et 80 % des aliments sont importés, la construction, l'agriculture ou l'industrie manquent en outre régulièrement de bras. "Mais un fonctionnaire ne peut s’improviser agriculteur, commente Jannette Habel. Les Cubains vont surtout se tourner vers le travail artisanal ou l’ouverture d’un petit commerce".

Selon des documents officieux circulant sur les lieux de travail, le gouvernement prévoit d'accorder 250 000 nouveaux permis pour l'ouverture d'environ 120 types de commerces (cordonniers, cireurs, coiffeurs, horlogers, mécaniciens, jardiniers, traducteurs...). À l'heure actuelle, quelque 148 000 Cubains travaillent à leur compte comme coiffeurs, chauffeurs de taxis ou restaurateurs, en échange du versement d'un impôt à l'État et de cotisations sociales.

Mais beaucoup le font déjà de façon illégale. Yvonne Molina, 27 ans, espère ainsi gagner davantage que le salaire mensuel versé par l'État (20 dollars, 16 euros) avec le petit atelier de couture qu'elle a pu ouvrir dans le garage de sa maison, à La Havane. "Je paye 300 pesos par mois (10 euros) pour le permis et j'ai gagné 250 pesos en une semaine. J'ai toujours retouché des vêtements. Avant, je le faisais illégalement. Maintenant, je peux faire des vêtements, les vendre et gagner ma vie sans craindre de recevoir une amende", a-t-elle déclaré à l'AFP.

"Ainsi, l’économie informelle – très importante sur l’île – serait réintégrée dans l’économie formelle", précise Janette Habel. Mais les résultats de cette importante réforme du gouvernement de Raul Castro pourraient se faire attendre encore longtemps avant d’être mesurés.