En guise d'hommage à Claude Chabrol, disparu dimanche, extraits d'interviews glanés dans la presse écrite et à la télévision. Où le cinéaste parle avec verve de ses films, de politique, de cuisine et des femmes.
La bourgeoisie
"De toutes les ethnies, c’est la plus marrante. Ils peuvent être très méchants, c’est épatant", déclare Claude Chabrol dans une interview accordée en 1987 sur la chaîne Antenne 2. Le cinéaste y parle de sa propension à filmer la bourgeoisie et avoue cultiver lui-même un "look de notable de province".
La politique
"De Gaulle, qui a été le premier à bien passer à la télévision, s’inspirait de Saturnin Fabre, c’est évident. La vérité pour un homme politique, ce serait de s’inspirer d’un acteur qui soit proche de son tempérament et de le copier dans ce qu’il a de plus outré."(Libération, mars 1986)
"Sarkozy n’est pas Hitler, ni même un faux Hitler, qui atterrit sur une botte de paille. Il est davantage Michel Druker que Hitler. […] On a été légèrement imprudent en l’élisant mais, en France, on a toujours le sentiment qu’on peut à un moment opposer un refus brutal. Pour l’instant, il distrait les soirées d’hiver." (Libération, décembre 2007)
Les femmes
"Je suis très touché par la nécessité pour les femmes de survivre encore plus que les hommes, c'est encore plus difficile. C'est ça qui me plaît quand je fais des films sur des femmes avec des femmes, parce qu'elles sont toujours, en naissant, dans un état de victime." Extrait de l'interview accordée en 1993 à Daniel Toscan Duplantier, en présence de Charlotte Rampling, pour l'émission "Tout le cinéma".
À la question "Pourquoi aimez-vous les criminelles ?" posée par l'hebdomadaire Télérama en mars 2010, Chabrol répond : "-Parce qu'elles incarnent la révolte ! Les hommes ne se sont pas encore rendu compte à quel point leur comportement envers les femmes est colonialiste. Elles doivent se rebiffer […]
-Les femmes ont donc de meilleures raisons de tuer que les hommes ?
-Bien sûr. La situation des hommes par rapport à elles est scandaleuse. La preuve : cela surprend encore qu'une femme puisse devenir chef d'État. Jamais le PS n'aurait traité un homme, par exemple, comme ils ont traité Ségolène Royal. Le passage à l'acte chez la femme me paraît nettement plus justifié car leur frustration est quotidienne. De plus, elles ne tuent jamais par perversité. Les hommes, eux, passent à l'acte par vanité de tuer ou quand leur orgueil est soudainement blessé. Chose impossible chez les femmes puisque l'ego est écrasé au départ."
Les mondanités
En mai 2010, interrogé par le président du Festival de Cannes, Gilles Jacob, sur les raisons qui l'amènent à bouder la Croisette, il répond : "Je déteste les mondanités. Je me souviens, dans le temps, je m'amusais à me déguiser. Je me déguisais en bobo. Alors nœud pap' et tout ça à l'époque […] Ce qui m'horripile dans le Festival de Cannes, c'est qu'on est obligé de se déguiser tout le temps, même quand on ne veut pas […] Et puis les gens qu'on rencontre ne sont jamais vraiment intéressants. Ou, en tout cas, ce n'est pas le moment où ils sont le plus intéressants. On s'ennuie assez souvent, la bouffe est très souvent assez dégueulasse… Non, je suis pas fana."
Son amitié avec Jean-Marie Le Pen
"On me reproche parfois d'avoir été copain à 20 ans avec Le Pen quand nous étions étudiants. Je trouve cela étonnant : comment peut-on reprocher à quelqu'un de ne pas mépriser quelqu'un à qui on reproche de mépriser les autres ?" (Le Figaro, juillet 2006)
La cuisine
"On a l’impression, dans les films, que les gens ne mangent jamais. Même quand ils sont au restaurant. Je n’aime pas ça du tout. Je me suis dit que le jour où je ferais des films, les gens mangeront. Et j’expliquerais que, pour vivre, il faut manger […] Isabelle [Huppert] a peu à peu cessé de manger, j’ai cru comprendre. Je la menace de ne pas travailler ensemble tant qu’elle n’aura pas pris 10 kg. Je serai obligé de faire un prochain film pendant l’Occupation si elle reste toujours aussi mince." Interrogé sur France 24 par Alain Kruger, en décembre 2009.
Le cinéma et la télévision
"Il y a une vingtaine d'années, j'ai pris conscience que nous étions entrés dans une ère épouvantable lorsque j'ai vu le remake de 'Robin des Bois', avec Kevin Costner. Il tirait une flèche et la caméra se fixait sur celle-ci pour accompagner son trajet ! Là, je me suis dit : 'C'est la fin du cinéma'. C'est comme dans les films de Jean-Pierre Jeunet, qui n'en est pas moins un homme de grand talent : dans ses films, une fille ne peut pas traverser un champ sans qu'un hélicoptère la dépasse ! Le problème, c'est qu'il fait des émules car ce n'est pas très difficile à réaliser et c'est terriblement efficace." (Le Figaro, juillet 2006)
Toujours à propos des effets spéciaux, interrogé par le président du Festival de Cannes Gilles Jacob, en mai dernier :
"À la télé, tout est bien. Il suffit de se mettre à la bonne distance. Il n’y a pas d’émission qui ne soit pas intéressante. Bien sûr, il y a des choses tellement immondes qu’il faut se mettre très loin, mais c’est passionnant." (Libération, septembre 2001)