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Erdogan demande aux Turcs de voter sur une réforme de la Constitution

Trente ans après le putsch militaire du général Kenan Evren, les électeurs turcs doivent se prononcer lors d'un référendum, dimanche, sur 26 points visant à renforcer la démocratie et rapprocher le pays de l'Union européenne.

REUTERS - Une majorité claire des électeurs ont l’intention de voter « oui » dimanche en Turquie lors du référendum sur une réforme de la Constitution proposée par le gouvernement d’inspiration islamique, à en croire un sondage rendu public samedi.

D’après cette enquête de l’institut Konda, réalisée les 4 et 5 septembre, le « oui »

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"L'opposition craint un contrôle accru de l'exécutif sur la justice"
Erdogan demande aux Turcs de voter sur une réforme de la Constitution

recueillerait 56,8% des suffrages lors du référendum, considéré comme un test de la popularité du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan à l’approche des élections législatives prévues au plus tard en juillet 2011. L’institut Konda note cependant que 17,6% des personnes interrogées se déclarent toujours indécises. Les précédents sondages publiés cette semaine se situaient dans la marge d’erreur, si bien qu’aucune conclusion ne pouvait en être tirée.

Les Turcs vont devoir se prononcer par un « oui » ou un « non » sur un ensemble de 26 points très divers, parmi lesquels une réorganisation de l’appareil judiciaire, bastion du camp laïque, donc a priori hostile à l’AKP (Parti de la Justice et du Développement), au pouvoir depuis 2002.

Par ce référendum, qui aura lieu trente ans jour pour jour après le putsch militaire du général Kenan Evren, Erdogan juge nécessaire de modifier une Constitution adoptée au début des années 1980 dans la foulée du coup d’Etat, afin, selon lui, de renforcer la démocratie et de rapprocher la Turquie des normes européennes.

Le pouvoir actuel joue sur la mémoire du putsch, qui avait été suivi d’une période de répression brutale. Dans ses discours devant des rassemblements publics, Erdogan n’a pas manqué de rappeler le rôle joué sur la scène politique par les militaires turcs, qui ont renversé quatre gouvernements démocratiquement élus depuis 1960.

A Ankara, un « musée de la honte », récemment ouvert expose des instruments de torture utilisés après le putsch de 1980.

L’opposition laïque voit dans les réformes constitutionnelles proposées une tentative de prise de contrôle des tribunaux par l’AKP, qui possède une forte majorité parlementaire et s’est assuré une solide base politique.

Les changements de nature à affecter la composition de la Cour constitutionnelle et celle du Conseil supérieur de la magistrature inquiètent tout particulièrement l’opposition. Toujours dans le domaine de la justice, il deviendrait plus facile désormais de traduire des membres de l’armée - autre grand pilier de la laïcité turque - devant des tribunaux civils.

A Bruxelles, la Commission européenne a exprimé mardi son soutien à la refonte de l’appareil judiciaire tout en reprochant aux autorités turques l’absence de grand débat public sur les réformes avant le référendum de dimanche.

Le résultat de dimanche, baromètre de 2011

Cette critique a été motivée par des informations de presse selon lesquelles Erdogan aurait prévenu un groupe d’affaires turc qu’un risque d’ "élimination » pesait sur lui en raison de son manque de soutien public aux réformes, a indiqué Angela Flotte, porte-parole de la Commission.

L’AKP, formation issue de la mouvance islamiste mais niant toute intention de réduire le champ de la laïcité en Turquie, se présente comme un homologue des partis chrétiens-démocrates conservateurs de l’Union européenne.

Les investisseurs étudieront de près le résultat du référendum pour évaluer les chances qu’a Erdogan de former un gouvernement fondé sur un seul parti pour un troisième mandat consécutif après les législatives de juillet 2011.

En 2007, l’AKP avait obtenu 47% des voix, mais le scrutin de l’an prochain paraît s’annoncer comme le plus difficile à aborder pour le parti gouvernemental. Une victoire du « non » au référendum pourrait de ce fait galvaniser l’opposition. Le référendum sera donc un test pour le nouveau président du Parti républicain du peuple (CHP, gauche kémaliste, laïque), Kemal Kiliçdaroglu.

Des analystes considèrent le référendum comme un nouveau terrain d’affrontement entre l’AKP, soutenu par une classe moyenne de musulmans pratiquants qui est en pleine expansion, et une élite laïque qui a exercé le pouvoir le plus clair du temps écoulé depuis la fondation de la Turquie moderne par Atatürk en 1923.

A l’heure où la puissance de l’armée a nettement diminué sous l’effet des réformes liées au projet d’adhésion à l’UE, les juridictions supérieures deviennent la dernière forteresse d’un establishment conservateur très suspicieux à l’endroit de l’AKP.