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La police algérienne traque les "transgresseurs" du ramadan

Depuis le début du mois de ramadan, les forces de l’ordre algériennes multiplient les arrestations de personnes qui n'observent pas le jeûne. Si certains parlent de "convictions personnelles", d’autres défendent le respect des coutumes du pays.

Ceux qui ne jeûnent pas écoperont de peines de prison et de sanctions ! Telle a été la réponse des autorités algériennes aux habitants de la localité d’Ouzellaguen - à 60 km environ de Bejaia, sur la côte est du pays - qui ont décidé de ne pas observer le jeûne du mois sacré, pour des raisons personnelles et professionnelles. La police a arrêté les "réfractaires" pour non-respect des préceptes de l’islam et fermé le restaurant où ils se trouvaient, plaçant au passage le propriétaire de l’établissement en garde à vue. 

"Des tribunaux d’inquisition"

Le même scénario s’était produit au début du mois de ramadan dans la localité d’Ain el-Hammam (ex-Michelet), non loin de Tizi Ouzou, à environ 130 km à l’est d’Alger. La police avait arrêté deux personnes qui étaient en train de déjeuner. Les habitants du village avaient dû se mobiliser pour leur éviter tout déboire judiciaire. 

Mustapha Karim, chef de l’église évangéliste d'Algérie, estime dans un entretien téléphonique accordé à France 24  : "Cette escalade sécuritaire à l’encontre de ceux qui ne jeûnent pas rappelle les tribunaux d’inquisition qui sévissaient en Europe, et plus particulièrement en Espagne, au XVIe siècle." Selon lui, les "autorités algériennes veulent imposer le jeûne à tout le monde et ne s’encombrent pas de notions comme la liberté individuelle, les droits de l’homme ou la liberté de culte". Il accuse le gouvernement algérien de se plier "de plus en plus aux doléances des islamistes, avec lesquels il veut éviter tout nouveau conflit".

L’Islam, "religion de l’État"

Pour Mustapha Karim, le régime algérien ressemble de plus en plus à son homologue iranien, en cela qu’il restreint les libertés et impose sa propre vision de la religion à tous les citoyens, nonobstant leurs convictions, leurs idéaux politiques ou leur situation sociale. Il craint d’autre part les conséquences de cette escalade sécuritaire, qui vise les citoyens chrétiens, sur ses coreligionnaires, auxquels il recommande la plus grande vigilance. Il leur demande d’éviter de manger en public, pour ne pas gêner les musulmans qui observent le jeûne, et de ne pas s’exposer aux foudres de la police. 

Faouzi Oussedik, universitaire et défenseur algérien des droits de l’Homme, défend quant à lui la position du gouvernement. Pour lui, "le comportement de ceux qui ne jeûnent pas piétine les traditions du pays ainsi que la Constitution algérienne, plus particulièrement l’article 2, qui stipule que l’islam est la religion de l’Etat". 

"Il faut considérer la question d’un point de vue juridique"

Selon l’universitaire, "c’est aux libertés individuelles de s’adapter aux particularités des sociétés, et de ne pas perturber l’ordre public". Il évoque à titre d'exemple la loi interdisant le port du voile intégral adoptée récemment par le Parlement français, pour des raisons - d'après lui - "sécuritaires". 

Loin de toute interprétation politicienne ou idéologique, c’est d’un point de vue purement juridique que Faouzi Oussedik défend la position du gouvernement envers ceux qui ne respectent pas le ramadan. Il reconnaît cependant que d’aucuns veulent exploiter cette question à des fins personnelles ou pour obtenir des concessions politiques - afin d'en contenter certains aux dépens d’autres.

Tags: Ramadan, Algérie,