À l'appel de plusieurs syndicats et partis politiques, des milliers de personnes se sont rassemblées en France et en Europe pour dénoncer la politique sécuritaire du gouvernement, et notamment les expulsions de Roms. Reportage à Paris.
"Face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité, fraternité." Tel était le mot d’ordre lancé par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) qui appelait à défiler, ce samedi, dans plus de 130 villes de France contre la politique sécuritaire du gouvernement.
Repris par plusieurs partis politiques de gauche et plusieurs centrales syndicales, l’appel a été entendu du grand public, qui s’est largement mobilisé à travers tout le pays, mais aussi devant des ambassades françaises de plusieurs pays de l'Union européenne.
"On s'identifie à eux"
À Paris, 20 000 à 50 000 personnes ont battu le pavé, place de la République. Le long cortège festif s’est élancé en milieu d’après-midi sur des airs tsiganes joués par un petit orchestre de Roms. Une quarantaine d’individus récemment délogés du camp de Choisy-le-Roi ouvraient la marche sous une banderole dénonçant la politique "inhumaine" de Nicolas Sarkozy. Parmi eux, Codrut. Âgé de 20 ans, il vit en France depuis 10 ans, dont "quatre passés à l’école", précise-t-il.
Originaire de Timisoara, en Roumanie, il assure n’avoir aucune intention de retourner dans son pays d’origine : "Même si on me paye pour rentrer en Roumanie, je ne veux pas partir. J'ai quitté le pays il y a dix ans, ce n’est plus chez moi là bas", explique-t-il. "Heureux" d’assister à une telle mobilisation, il voudrait simplement que le gouvernement lui accorde un "logement et un travail".
Un peu plus loin s’étirent les cortèges de sans-papiers d’origine africaine. Habitué à manifester pour demander une "régularisation de sa situation", Sakho, un Sénégalais de 46 ans, exprime sa "fierté" d’être dans la rue ce samedi. "Comme tout le monde, on a vu les images de familles de Roms expulsées avec femmes et enfants. Du coup, on s’identifie à eux. Ce qu’’ils’ font aujourd’hui aux Roms, c’est ce qu’‘ils’ nous font depuis des années. Alors on est là pour demander des papiers pour tous."
Rompues à l’organisation de grands défilés, les organisations politiques et syndicales suivent en bon ordre. Sous les ballons des partis de gauche, de nombreux responsables politiques ont fait le déplacement, comme les députés socialistes Arnaud Montebourg et Jean-Christophe Cambadélis, le maire de Paris Bertrand Delanoë, le porte-parole du NPA Olivier Besancenot, la secrétaire nationale des Verts Cécile Duflot, ou encore le député européen d'Europe Écologie, José Bové.
Rendez-vous le 7 septembre
Lunette de soleil sur le nez et bronzage rochelais encore bien visible, la présidente des Jeunes socialistes, Laurianne Deniaud, se trouve également parmi eux, aux premières loges du char PS.
"Aujourd’hui, c’est un ras-le-bol général qui s’exprime. Le point de départ, c’est la stigmatisation d’une communauté [les Roms, NDLR], mais le mouvement s’est amplifié", analyse-t-elle. Entre deux chants anti-Sarkozy repris par la sono, elle confie : "C’est beau de voir que les populations qui vivent en France sont solidaires, quelle que soit leur nationalité". Consciente que la rentrée sociale ne fait que commencer, celle-ci donne rendez-vous le 7 septembre, pour la grande manifestation contre la réforme des retraites. "Aujourd’hui, c’est juste le premier acte, un premier avertissement. Que ce soit sur sa politique sécuritaire, économique et sociale, on doit à nouveau dire halte à ce gouvernement."
Réagissant à cette journée de mobilisation, Éric Ciotti, secrétaire national de l'UMP en charge des questions de sécurité, a déclaré dans un communiqué que "les manifestations qui se tiennent [...] contre la politique de sécurité menée par le gouvernement traduisent une complaisance coupable à l'égard de ceux qui bafouent les lois de la République".
"Petits papiers"
Plus tôt, en fin de matinée, un singulier attelage était venu faire du bruit sous les vitres du ministère de l’Immigration, dans le 7e arrondissement de Paris. Juchées sur un bus touristique réquisitionné pour l’occasion, des personnalités du monde de la culture, des journalistes et des hommes politiques ont fait entendre leur voix devant la gigantesque porte du ministère, qui ne voulait pas s'ouvrir.
Emmenée par les chanteuses Jane Birkin et Régine, la délégation a dû entonner à plusieurs reprises la chanson de Serge Gainsbourg intitulée "Les petits papiers" pour être finalement autorisée à pénétrer sous le porche du 101 rue de Grenelle. Juste en face, la mairie du 7e arrondissement accueillait alors un mariage. Brushing impeccable et montre suisse au poignet, un ami du futur marié, contemplant la scène, lâchait : "Quelle foire tout de même, tout ça pour deux stars de seconde zone…"
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