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"Comment voulez-vous qu'on rompe le jeûne, on n'a plus rien à manger !"

Les inondations au Pakistan ont causé des pénuries de nourriture qui ne permettent pas aux habitants des zones sinistrées de manger à leur faim le matin et de rompre le jeûne le soir.

AFP - "Comment voulez-vous qu'on rompe le jeûne, on n'a plus rien à manger !", se désespère Sabhagi Khatoon, une mère de six enfants, démunie comme des millions de Pakistanais qui entament le ramadan dans la misère après avoir fui leurs villages ravagés par les inondations.

Sa famille campe à ciel ouvert le long d'une autoroute et aux abords d'un canal sale, seule source d'eau disponible dans les environs pour étancher la soif des déplacés, harassés par des journées passées sous le soleil.

Des millions de Pakistanais se sont levés jeudi sans pouvoir, avant le lever du jour, manger assez pour tenir la longue journée de jeûne qui s'annonce. Ni se dire qu'ils auront de quoi le rompre dans la joie au coucher du soleil.

Khatoon a fui son village de Karampur, dans la province du Sind (sud), pour trouver refuge à Sukkur, à 75 km de là, rejoignant les quelque six millions de Pakistanais qui ne pourront survivre s'ils ne sont pas aidés, selon l'ONU.

"On a faim depuis plusieurs jours, et le ramadan ne nous apportera aucune joie cette année. D'habitude, on le célébrait dans la joie, au village. Mais cette année, on n'a rien à manger. On n'a donc pas attendu pour commencer à jeûner, mes enfants et moi !", dit-elle.

Près de 14 millions de Pakistanais, dont de nombreux enfants, sont affectés par les inondations qui ont dévasté une partie du pays depuis deux semaines, selon les autorités.

"Notre village est sous les eaux, nos foyers et récoltes ravagés. Nous nous battons pour survivre", ajoute Mohammad Parial, 55 ans, qui a lui aussi atterri près de Sukkur, et craint pour la vie de ses six petits-enfants, affamés.

"Le ramadan est habituellement un mois sacré, mais personne n'est là pour faire en sorte que nous puissions en profiter", dit-il, en larmes.

Le gouvernement, débordé, a promis de fournir des repas chauds aux victimes pendant le ramadan et de donner des compensations aux familles de personnes tuées. Mais à Sukkur, peu espéraient voir cette aide arriver.

Très présente auprès des sinistrés, l'organisation caritative islamique Jamaat-ud-Dawa, soupçonnée de prosélytisme extrémiste par Washington, a elle aussi promis de leur fournir l'iftar, le repas de rupture du jeûne.

Venu du village de Thul, à 120 km au nord de Sukkur, Mohammad Jadam, 30 ans, s'estime comme beaucoup d'autres trahi par le gouvernement au pire moment.

"Je n'aurais jamais imaginé passer le mois sacré dans ces conditions. Je jeûne pour Allah, mais je n'ai rien à manger de toute façon. Et le gouvernement ne fait rien pour nos enfants, qui meurent de faim".

"Nous ne l'avons jamais fêté outre mesure car nous sommes pauvres, mais nous avions au moins un peu de nourriture, un toit et de l'eau pendant le ramadan", note Taj Mohammad, 12 ans.

Les enfants sont d'habitude excités par la perspective de l'Aïd-el-Fitr, la fête de fin de ramadan, synonyme d'habits de fête et de cadeaux.

"Pour l'Aïd, mon père nous aurait apporté de nouveaux vêtements", explique Taj. "Mais maintenant, il s'agit juste de survivre. Alors faire la fête...."

Fournir deux repas quotidiens, celui d'avant le lever du soleil et l'iftar, et de l'eau aux 15 membres de sa famille? Un rêve pur et simple pour Wajid Ali, un infirmier réfugié dans une école du district de Charsadda (nord-ouest).

Ali et les siens ont tout perdu lorsque les flots on ravagé leurs foyer dans le village d'Aziz Khel. Et ils n'ont pas trouvé grand chose en s'échouant à Charsadda: "Trouver de l'eau potable est le plus gros problème. Nous avons tous des problèmes d'estomac, et toujours rien à manger".