
Les derniers chiffres publiés sur l'activité d'auto-entrepreneur, un statut créé en 2008 pour tenter d'endiguer la hausse du taux de chômage, semblent encourageants. Des statistiques qui cachent toutefois une réalité bien plus nuancée...
Le flou règne dans la galaxie des auto-entrepreneurs, un an et demi après la création de ce nouveau statut qui permet de déclarer une activité à travers quelques démarches administratives simples sans avoir à subir la fiscalité d’une entreprise classique. Révélées jeudi par l’Acoss - la structure qui chapeaute l’Urssaf -, les dernières données concernant le secteur ne vont rien arranger. Selon l'organisme, en effet, son chiffre d’affaires sur les six premiers mois de 2010 - 1,1 milliard d'euros - dépasse déjà celui de 2009 (969 millions d'euros)...
De quoi réjouir le gouvernement, qui a introduit le statut d'auto-entrepreneur dans sa loi de modernisation de l’économie en 2008 ? À première vue, oui, d'autant plus que le nombre de personnes inscrites sous ce statut continue de grimper en flèche (+211 200 nouveaux auto-entrepreneurs enregistrés durant le seul premier semestre 2010). Les propos d'Hervé Novelli, secrétaire d'État aux PME, en témoigne : "Le chiffre d'affaires des auto-entrepreneurs en 2010 devrait dépasser 2,5 milliards d'euros".
"Camouflage de chômage"
Reste cependant qu'une analyse plus détaillée débouche sur un tableau bien plus nuancé de la situation. Le quotidien "Les Échos" a ainsi révélé jeudi que la moitié des 523 900 auto-entrepreneurs recensés n’ont jamais déclaré de chiffre d’affaires. Ce qui, en d’autres termes, signifie qu'ils ne tirent pas de revenus de leur activité... "Pour moi, il s'agit clairement d'un moyen de camoufler le chômage", raconte Gisèle, une auto-entrepreneuse de la première vague qui s'est lancé dans l'aventure au début de 2009.
"Ce n’est pas parce qu’on ne déclare pas de chiffre d’affaires qu’on n'exerce aucune activité. Il existe de nombreux auto-entrepreneurs qui sont en train de se constituer une clientèle ou de chercher des financements", répond Alain Bosetti, président du Salon des micro-entreprises. Sans compter que, pour certains également, il s’agit d’une activité secondaire menée en parallèle d'une activité salariée - ce serait le cas de 28 % des auto-entrepreneurs, selon une enquête OpinionWay pour l'Union des auto-entrepreneurs réalisée en juin 2010.
Problème de traçabilité
Une double casquette qui, toutefois, en dit long sur ce dispositif encore jeune, qui n'est souvent perçu que comme un simple moyen de se faire de l’argent de poche. "En ce qui me concerne, ce n'est qu'une manière d’arrondir mes fins de mois. Franchement, j’imagine mal qui peut vivre exclusivement de ses revenus d'auto-entrepreneur", reconnaît Gisèle, qui engrange un demi-Smic par mois supplémentaire en faisant de la couture à domicile.
Auto-entrepreneurs qui ne tirent pas de bénéfices de leur activité, salariés qui en profitent pour gagner plus en travaillant plus… Dans ces conditions, il semble bien difficile de savoir combien de personnes ont pu se remettre en selle grâce à ce statut. "Le dispositif souffre d'un évident problème de traçabilité. Il faudrait obliger les auto-entrepreneurs à déclarer leur chiffre d’affaires tous les trimestres, même s’il est égal à zero", juge Alain Bosetti. Une obligation qui, pour l'heure, n’existe pas et rend difficile le suivi de l’activité de tous ceux qui se sont affiliés au régime, si bien qu'"on a parfois l'impression d'être un entrepreneur de seconde zone", conclut Gisèle.