En pleine visite d'une délégation roumaine à Paris, deux vols vont reconduire, ce jeudi, 283 Roms dans leur pays. Le gouvernement annonce une "accélération" des expulsions et dévoile des statistiques inédites sur la délinquance roumaine.
Suivez sur FRANCE 24 l'entretien avec Valentin Mocanu, secrétaire d'Etat roumain chargé de l'intégration des Roms, ce jeudi à 22h45.
Alors que de nouvelles expulsions de Roms sont prévues ce jeudi, Paris et Bucarest ont nié, mercredi, toute mésentente sur le dossier. Le ministre français de l'Immigration, Eric Besson, a annoncé une "accélération" des reconduites de "ressortissants roumains et bulgares". De son côté, la Commission européenne a, à son tour, exprimé son "inquiétude" quant à la gestion de la "question rom" par la France.
Les ministres français de l'Intérieur et de l'Immigration, Brice Hortefeux et Eric Besson, ont rencontré mercredi deux secrétaires d'État roumains en charge des populations roms, Valentin Mocanu et Dan Valentin Fatuloiu. "Tout s'est bien passé dans un esprit constructif et amical, a déclaré Eric Besson à l'issue de la réunion. Nous avons évoqué la coopération policière et les aspects sociaux de la réintégration des Roms renvoyés chez eux. Il n'y a pas de reproche fait par les Roumains à la France", a-t-il indiqué.
Besson annonce une "accélération" des expulsions
"Ce sont des discussions normales entre les deux pays. On constate qu'il existe un problème qui doit être résolu", a assuré de son côté le secrétaire d'État roumain chargé de l'insertion sociale des Roms, Valentin Mocanu. "Les relations [entre Paris et Bucarest] sont excellentes depuis des siècles, on va continuer."
Les déclarations du gouvernement sur les Roms et les expulsions de ces dernières semaines avaient pourtant crispé les relations entre les deux pays. Valentin Mocanu a regretté la semaine dernière que l'on "stigmatise un groupe dans son ensemble" et le ministre roumain des Affaires étrangères, Teodor Baconschi, s'était dit inquiet des "risques de dérapages populistes". "On a le sentiment en Roumanie que les Roms sont devenus un thème de campagne pré-électorale en France", a expliqué le correspondant de FRANCE 24 à Bucarest, Mirel Bran.
Selon Paris, la plupart des Roms présents en France sont victimes de réseaux et de trafic d'êtres humains, et les Roms sont un "problème roumain". Brice Hortefeux a annoncé mercredi une "intensification de la coopération en matière de sécurité" et l'augmentation du nombre de policiers roumains en France.
En pleine visite de la délégation roumaine, le ministre de l'Immigration, Eric Besson, a lui annoncé une "accélération des reconduites de ressortissants roumains et bulgares". Jusqu'à présent, le rythme des expulsions est resté stable : depuis le 1er janvier, plus de 8 300 ressortissants de ces deux pays, en situation irrégulière, ont été expulsés et environ 10 000 sont reconduits vers leur pays chaque année.
Deux vols "spécialement affrétés" sont prévus ce jeudi au départ de Paris et de Lyon pour reconduire 283 Roms dans leur pays d'origine. Au total, quelque 950 Roms devaient être expulsés entre fin juillet et fin août. Un sondage, publié ce jeudi, affirme que 48 % des Français sont favorables à ces expulsions.
Statistiques inédites sur la délinquance roumaine
Pour justifier sa politique, le gouvernement a également diffusé mercredi des statistiques inédites concernant les actes de délinquance perpétrés par des Roumains à Paris. Brice Hortefeux, citant une "étude des services de police", a annoncé que la délinquance de nationalité roumaine a augmenté de 138 % en 2009 et de 51 % sur les six premiers mois de l'année 2010, par rapport aux six premiers mois de 2009. Au cours de cette période, des Roumains sont mis en cause dans 3,6 % des actes de délinquance générale.
La plupart des Roms sont originaires de Roumanie et de Bulgarie, deux pays membres de l’Union européenne (UE) depuis 2007. Ils peuvent donc circuler librement dans les pays de l'UE, mais sont soumis à des restrictions "transitoires". Ils doivent notamment demander une autorisation pour travailler en France.
Comme tous les Européens, les Roms sont soumis à une obligation de ressources s'ils désirent rester en France au-delà de trois mois. Ils peuvent également être expulsés à tout moment s'ils sont reconnus coupables de troubles à l’ordre public.
Alain Bauer, auteur du rapport de 2009 de l'Observatoire national de la délinquance (OND) sur la criminalité en France, a affirmé mercredi que "les statistiques sur les personnes mises en cause n'ont jamais été publiées par nationalité, même si elles existent". Selon le rapport de l'OND, qui établit uniquement une distinction entre Français et étrangers, ceux-ci sont mis en cause dans 11,9 % des cas. "Plus les faits sont graves, moins les étrangers sont impliqués", avait précisé Alain Bauer début août.
Alors que la France est critiquée de toute part pour sa politique à l'égard des Roms, Nicolas Sarkozy n'a pas dit un mot sur le sujet lors de son traditionnel discours aux ambassadeurs de France, actuellement réunis en conclave à Paris. Mercredi, la Commission européenne a, à son tour, exprimé son "inquiétude".
"J'attends que tous les États membres respectent les règles partagées de l'Union européenne sur la libre-circulation, la non-discrimination et les valeurs communes, notamment le respect des droits fondamentaux, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités", a déclaré la commissaire chargée de la Justice et des Droits fondamentaux, Viviane Reding.