Des opérations de sauvetage sont en cours dans la province du Sind, frappée par les inondations, où quelque 200 000 personnes ont dû quitter leurs habitations ce week-end. Le mécontentement de la population grandit à l'égard des autorités.
REUTERS - De nouvelles inondations ont aggravé la situation dans le sud du Pakistan, où 200.000 personnes supplémentaires ont dû abandonner leurs foyers au cours des dernières 24 heures, ont annoncé dimanche les autorités.
Quatre districts au moins de la province du Sind, que traverse l'Indus en crue avant de se jeter en mer d'Oman, ont été touchés. Des zones urbaines sont concernées.
{{ scope.legend }}
© {{ scope.credits }}"La partie méridionale du Sind est notre priorité. Nous y avons redéployé nos ressources pour des opérations de sauvetage", a dit Saleh Farooqui, directeur général des services
provinciaux de gestion de crise, joint par téléphone.
Sur le plan national, le niveau des eaux devrait baisser dans les prochains jours, à mesure que les dernières crues se déverseront en mer d'Oman, écrit l'agence de presse officielle APP. Des orages localisés sont toutefois prévus dans le Pendjab, le Nord-Ouest, le Cachemire et dans certains secteurs du Sind.
Les conséquences économiques, sociales et politiques de ces inondations sans précédent depuis plusieurs dizaines d'années s'annoncent durables. Des localités entières et des terres agricoles ont été dévastées, des routes et des ponts détruits.
Pourquoi le monde a-t-il tardé à se rendre compte de l’échelle du désastre ? C’est la question que pose le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, dans un éditorial sur la situation au Pakistan publié dans l’édition du 23 août du journal Libération.
La catastrophe, rappelle-t-il, touche plus de personnes que les sinistrés du tsunami en Asie de 2004, du cyclone birman en 2007 et du séisme en Haïti cette année réunis. Pour cette raison, il demande à la communauté internationale de se mobiliser rapidement afin de permettre à quelque 20 millions de Pakistanais de pourvoir survivre. Car, selon Ban Ki-moon, la plus grande menace reste à venir. La propagation des maladies consécutives aux inondations doit être contenue dans des zones où les organisations médicales internationales ont le plus grand mal à intervenir. Il faut aider l’économie pakistanaise à se relever de cette crise, notamment le secteur agricole qui est le plus durement touché et dont les pertes estimées s’élèvent à plus d’un milliard de dollars.
Le bilan officiel fait état de 1.600 morts et plus de quatre millions de sans-abri. Dans la région sinistrée, un demi-million d'entre eux s'entassent dans quelques 5.000 écoles, où les conditions d'hygiène, la chaleur et la promiscuité font craindre des épidémies.
La catastrophe est par ailleurs lourde d'enjeux politiques. Le gouvernement pakistanais a été mis en cause pour la lenteur de sa réaction, alors que les organisations humanitaires
islamistes, dont certaines sont liées à des mouvements armés, se sont empressées de porter secours des sinistrés.
"Pas des méchants"
"On pensait que c'étaient des terroristes, mais c'est faux. Ils étaient les premiers à nous aider. On ne veut pas qu'ils nous gouvernent, mais ce ne sont pas des méchants", assure un paysan.
Le mécontentement dû aux échecs du gouvernement face à l'insécurité, à la pauvreté et aux pénuries d'énergie suscitait déjà une vive hostilité avant même les inondations. La
catastrophe et l'incurie du gouvernement ne sont qu'un atout supplémentaire dans le jeu des extrémistes.
Face à la guérilla et à l'urgence humanitaire, la communauté internationale a débloqué plus de 800 millions de dollars d'aide, a annoncé dimanche le ministre de l'Intérieur, Shah
Mehmoud Qureishi.
"Compte tenue des circonstances, en pleine récession de l'Occident, de l'Europe et des Etats-Unis, et de la soi-disant lassitude des donateurs, cette solidarité avec le Pakistan est encourageante", s'est-il félicité.
Les inondations se sont étendues petit à petit aux zones rizicoles de tout le nord du Sind, où beaucoup de récoltes sont perdues. Les autorités ont dû revoir à la baisse leur objectif
de croissance, fixé à 4,5% pour 2010, et prévoient désormais un déficit budgétaire de 8% du PIB.
Le coût de la catastrophe pourrait peser sur les projets de développement du Nord-Ouest, bastion de la contestation islamiste, ce qui risque d'alimenter encore une insurrection toujours active malgré les vastes opérations menées par l'armée.
"Ce sera une décision très difficile, parce qu'il s'agit de situation d'une urgence rare dans les deux cas", commente Asad Sayeed, directeur du Collectif pour la recherche en sciences sociales, un cercle de réflexion pakistanais.
Le Fonds monétaire international va revoir lundi les perspectives économiques et budgétaires du Pakistan avec des représentants du gouvernement, dépêchés à Washington. Les discussions porteront notamment sur le programme de dix
milliards de dollars approuvé en 2008.