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Fidel Castro de retour aux affaires ?

Depuis le 10 juillet, l'ex-Lider Maximo enchaîne les sorties en public. Faut-il y voir une volonté de sa part de revenir sur le devant de la scène politique cubaine ?

Il est apparu vêtu d’une chemise kaki, la barbe éparse et grise. Le dirigeant cubain Fidel Castro a rejoint la tribune du Parlement cubain samedi dernier avec l'aide de son entourage pour prononcer une allocution de seulement 12 minutes. Autant dire une intervention éclair pour cet habitué des discours fleuves... Et pourtant : revoir en public le père de la révolution cubaine qui s’était retiré de la vie politique il y a quatre ans n'en finit plus de susciter des interrogations, celui-ci s'étant livré à l'exercice à plusieurs reprises depuis un mois.

Lors de sa première sortie publique, le 10 juillet, Fidel Castro avait rencontré des scientifiques au Centre national de recherche (CNIC) de La Havane. L'événement intervient le jour même de la libération des détenus politiques du "Printemps noir" de mars 2003 (période marquée par l'arrestation de 75 opposants). Des remises en liberté qui ne manquent pas de faire les grands titres de la presse internationale, mais qui ne reçoivent pas le moindre écho dans la presse locale.

Pour Jacobo Machover, exilé cubain vivant à Paris auteur de l'ouvrage "Cuba ou l’aveuglement coupable" dont la sortie est prévue au mois d'octobre, le télescopage des deux événements n'a rien d'anodin. Selon lui, l’apparition du "vieux leader qui ressuscite" précisément ce jour-là n'avait qu'un but : minimiser l’"état lamentable" dans lequel les détenus de conscience sont sortis de prison. "On peut penser que c’est cette image de la dictature castriste qu’il a cherché à corriger par lui-même", commente Machover.

Dans son discours prononcé devant le Parlement le 7 août, Fidel, qui reste le premier secrétaire du Parti communiste cubain, s’est exprimé sur la politique internationale. Il a notamment invité les dirigeants du monde entier à convaincre le président américain Barack Obama de ne pas lancer une attaque nucléaire contre l'Iran. "Si nous l'en persuadons, Obama ne donnera pas un tel ordre. Nous apportons notre contribution à cet effort positif", a-t-il déclaré.

"Fidel voit dans la relation entre les États-Unis et l’Iran un remake de la crise des missiles de 1962 à Cuba, relève pour sa part Jacobo Machover. On peut y déceler sa frustration de ne jamais avoir eu à répondre à une guerre avec les États-Unis, qui était son rêve..."

Raul et Fidel complémentaires

Les différentes apparitions de Fidel Castro sur le devant de la scène politique nationale sont d’autant plus remarquées que jamais le père de la révolution cubaine, qui a dirigé l’île pendant 47 années, ne s'exprime sur la situation intérieure du pays, et notamment sur la libération de ces détenus politiques exilés de force en Floride ou en Espagne. "Il veut reprendre sa place sur l’échiquier international, commente José Goitia, correspondant de France24 à La Havane. Il a délibérément décidé de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures". 

Ses apparitions publiques depuis le 10 juillet

- 10 juillet : Fidel Castro apparaît au Centre national de recherche scientifique.
- 12 juillet : À la télévision, celui-ci devise sur la prochaine guerre nucléaire.
- 14 juillet : Diffusion de clichés de sa rencontre avec des économistes.
- 16 juillet : Apparition devant le grand aquarium de La Havane.
- 17 juillet : Castro est photographié devant un parterre d'ambassadeurs, évoquant les "graves dangers" d'une agression contre l'Iran ou la Corée du Nord.
- 24 juillet : Il rend hommage aux jeunes révolutionnaires morts dans l'assaut de la Moncada.
- 26 juillet : Il célèbre la Fête nationale cubaine.
- 2 août : Il présente son nouveau livre de mémoires, "La victoire stratégique", qui raconte ses expériences de guérillero à l'époque de la révolution, en 1959.
- 8 août : il prononce un discours de 12 minutes devant le Parlement cubain.
 

À preuve : la chemise qu’il portait samedi en s'exprimant devant le Parlement n’arborait plus les épaulettes où était accrochée son étoile rouge et noire de "Commandante". Depuis le 31 juillet 2006, Fidel Castro a officiellement cédé les rênes du pouvoir à son frère Raul pour raisons de santé.

Selon Jacobo Machover toutefois, ce retour aux affaires de Fidel Castro ne signifie pas pour autant que celui-ci est mécontentement des récentes libérations de détenus politiques. "Je pense qu’il n’y a pas de désaccord entre les deux frères. Depuis toujours, il existe une complémentarité entre Raul et Fidel, commente celui-ci. Et aujourd’hui, la répartition des tâches ne laisse aucun doute : Raul domine la politique intérieure mais il a besoin de l’image de son frère aîné pour faire revivre le mythe… Même s’il s’est complètement dégradé". Une allusion aux erreurs qui se glissent de plus en plus fréquemment dans les laïus de l'ancien dirigeant.

Devant le Parlement, Fidel a effectivement fait référence aux grandes puissances mondiales en évoquant la Chine et les "Soviétiques", en lieu et place de la Russie. "Le lendemain, lors d'un entretien avec des journalistes vénézuéliens, il a également déclaré que le Venezuela possédait des armes nucléaires, avant de finir par se corriger", ajoute Machover, qui conclut : "Ses discours ne sont plus cohérents".  

Pour José Goitia, les réapparitions de Fidel Castro révèlent surtout sa volonté "de ne pas interrompre le processus de changement actuellement en cours à Cuba". Des réformes économiques devraient bientôt voir le jour pour remédier à la pire crise que connaît l'île depuis la "période spéciale" [1991-1994] consécutive à la chute du bloc soviétique. Ces réformes, qui devaient être annoncées le 26 juillet, ont pris du retard. En attendant, la situation économique de l'île continue de se dégrader : près de 20 % des Cubains vont perdre leur emploi. Un million d'entre eux seront alors sans revenus...  

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