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"Les BASM ne vont pas disparaître le 1er août, mais la situation devrait s'améliorer"

Le traité interdisant les bombes à sous-munitions, qui ont fait près de 500 000 victimes dans le monde, entre en vigueur ce dimanche. Que faut-il en attendre ? Réponse avec Patrice Bouveret, directeur de l'Observatoire des armements.

Moins de deux ans après son adoption à Oslo, les 3 et 4 décembre 2008, le traité interdisant les bombes à sous-munitions (BASM) entre en vigueur ce dimanche. Il en interdit l'emploi, la production, le stockage et le transfert et prévoit une assistance aux personnes qui en ont été victimes.

Dans les pays où elles sont utilisées, ces armes imprécises laissent, sur de larges superficies, un taux significatif d'engins non explosés si bien que, des années après la fin du conflit, décès et mutilations se produisent presque quotidiennement.

Signée par 107 pays, cette convention a déjà été ratifiée par 37 États, dont la France. Les États-Unis, Israël, la Russie et la Chine, qui possèdent des stocks de BASM importants et en utilisent abondamment, ne l'ont en revanche toujours pas paraphé. 

Patrice Bouveret, directeur de l'Observatoire des armements, un centre d'information indépendant membre de la Coalition contre les sous-munitions, est toutefois optimiste quant à l'application du traité.

Pensez-vous que le traité d’interdiction des bombes à sous-munitions, qui entre en vigueur ce dimanche, sera réellement appliqué ?

Les bombes à sous- munitions en chiffres

- Une bombe à sous-munitions (BASM) est un conteneur (roquette, obus, missile...) qui contient jusqu'à des centaines de mini-bombes explosives.

- Près de 20 % des BASM n'explosent pas au moment de l'impact et se transforment en mines antipersonnel.

- 98 % de leurs 500 000 victimes sont des civils.

- Le Laos est le pays le plus pollué, devant l'Irak, le Liban, le Vietnam, le Cambodge et l'Afghanistan. 31 États étaient encore pollués par des BASM en 2008.

- 28 États produisaient de BASM en 2008, et 77 États en stockaient. Les États-Unis possèdent, à eux seuls, 700 millions à 800 millions de ces bombes.

(Source : Coalition contre les sous-munitions)

Patrice Bouveret : Au vu de ce qui s'est passé pour les mines antipersonnel, je le pense. Après l'adoption du traité de 1999 en interdisant l'usage, les organisations de la société civile ont poursuivi leur travail pour qu'il soit réellement appliqué, mais aussi pour qu'une convention soit adoptée sur les bombes à sous-munitions. Il ne fallait pas que les États puissent contourner le texte sur les mines antipersonnel en utilisant des BASM, qui ont des effets similaires ! Tous les ans, la Coordination contre les sous-munitions a donc publié un rapport évaluant l’action des États signataires en la matière. Elle a également fait pression pour que de nouveaux pays signent le texte.

Aujourd'hui, même les États non signataires du traité d’interdiction des mines antipersonnel, comme les États-Unis par exemple, n'utilisent plus cette arme dans les guerres qu'ils mènent en Afghanistan ou en Irak. L'an dernier, nous n'avons recensé que deux cas d'utilisation de ces mines, dont l'un par un groupe de guérilla non étatique. De la même façon, la surveillance des associations devrait contraindre les États non signataires du texte sur les BASM à cesser progressivement d'utiliser ces armes. 

Les BASM ne vont pas disparaître le 1er août, mais l'on peut espérer que, comme pour les mines antipersonnel, la situation s'améliore vraiment. En tout cas tant que la société civile maintiendra la pression...

L'objectif affiché par le traité est de nettoyer tous les territoires pollués dans les 10 ans à venir. Est-ce réaliste ?

P. B. : Je ne suis pas sûr que l’on pourra atteindre cet objectif. Les premières années après la signature d'un traité, les États contribuent certes à le mettre en œuvre de manière assez importante mais, ensuite, il est de plus en plus difficile de mobiliser les fonds nécessaires. Même si les États ont une obligation de solidarité internationale.

Le traité indique aussi que les États signataires s'engagent à porter assistance aux victimes. Qu'est-ce que cela signifie ?

P. B. : Cela signifie qu’ils doivent mettre en place des programmes d'information pour éviter que les BASM fassent de nouvelles victimes dans les pays où elles sont encore actives. Cela signifie aussi qu’ils doivent créer des programmes de soin, notamment dans les pays où il n'y a pas de protection sociale importante. Il s’agit d’une avancée majeure au niveau du droit international. Cette clause ne figure pas dans le traité sur les mines antipersonnel.

Pourquoi les États-Unis n'ont-ils pas signé ces deux conventions ?

P. B. : Pendant des années, l'administration américaine a affirmé qu'elle ne voulait pas adopter de traités multilatéraux, mais qu'elle les respecterait quand même. Elle ne voulait pas avoir les mains liées par un engagement vis-à-vis de la communauté internationale, alors qu'elle se considérait comme la première puissance mondiale. Mais depuis, l'administration Obama a engagé une réflexion sur le multilatéralisme. Il y a désormais un débat sur cette question aux États-Unis, et l'on peut s'attendre à ce que Washington signe relativement rapidement le traité sur les mines antipersonnel, puis celui sur les BASM.

Et la Chine ? 

P. B. : Nous avons très peu d'information à son sujet ; nous ne savons pas ce que Pékin va faire.

Quelle est la position de la France ?

P. B. : Paris a ratifié assez rapidement le traité de 2008 et l'a transposé dans son droit interne. La loi a été adoptée le 6 juillet, puis publiée au Journal officiel ; la France voulait que cela soit fait avant l'entrée en vigueur du texte. Les BASM ne sont plus utilisées par les forces armées françaises. La France n'en produit plus depuis un moment, mais elle doit maintenant démanteler ses stocks.

Cela conduit à poser la question de la mise en place d'une filière de démantèlement des BASM. Pour l'instant, la France ne possède pas l'outil industriel nécessaire pour le faire. En Europe, seule l'Allemagne en dispose pour l’instant. Il s’agit d’un débat d'ordre industriel.

Après les mines antipersonnel et les bombes à sous-munitions, quelle doit être la prochaine étape ?

P. B. : Il y a des discussions au niveau international, mais nous n'avons pas encore décidé de ce qu'il est le plus opportun de faire. La première étape, c'est d'obtenir que le plus grand nombre possible d'États signe la convention sur les BASM et que celle-ci prenne vraiment effet. Il faut attendre d'avoir suffisamment avancé sur ces objectifs pour lancer une nouvelle campagne internationale, sinon les États vont en profiter pour se désintéresser de la question. 

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Jean-Marc Boivin, directeur général d'Handicap International

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