Le fonds d'investissement britannique Armajaro a acheté 240 100 tonnes de cacao en fin de semaine dernière, soit la quasi-totalité des stocks européens. Une opération qui a provoqué une flambée des prix...
Ce n’est plus de la gourmandise, mais de la gloutonnerie. Ce sera surtout, peut-être, le coup boursier de l’année. En fin de semaine dernière, un "hedge fund" anglais nommé Armajo a acheté 240 100 tonnes de fèves de cacao à Londres, ce qui représente la quasi-totalité des stocks européens et 7 % de la production annuelle mondiale.
Une opération – la plus importante jamais réalisée depuis 1994 – qui a provoqué une flambée des prix. Peu de temps après la transaction, la tonne est montée à 2 725 livres (3247 euros), un plus haut depuis septembre 1977. Pour près de 1 milliard de dollars, Armajaro s’est offert de quoi remplir environ 155 piscines olympiques de fèves de cacao. Pas sûr toutefois que le fonds décide d'y plonger une tête...
"Chocolate Finger"
De fait, cette OPA sur le chocolat reste pour le moins mystérieuse. Il est possible qu’Amajaro ait déjà revendu son stock, sans que cela ait pu être confirmé en raison de l’opacité de ce marché. "Il y a un évident problème de transparence, qui nuit à la confiance des acteurs", estime Laurent Pipitone, analyste à l’Organisation internationale du cacao (ICCO).
Les petits fabricants craignent qu’Armajaro, du fait de son immense stock, fixe les prix à sa guise. Mardi, ils ont lancé une pétition dans laquelle ils dénoncent une manipulation des prix par le trader. Seul problème : l’opération réalisée par le "hedge fund" est légale.
Le marché du cacao se prête parfaitement à ce genre de spéculation. Les contrats s’y négocient généralement à court terme (six mois), et les producteurs, souvent des petits fermiers africains, n’ont pas le temps d’ajuster à la hâte leur offre en cas de forte demande. Acheter d’un coup une grosse quantité crée donc mécaniquement une pénurie et fait flamber les prix.
L'un des fondateurs d’Amajaro n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai. Anthony Ward a gagné le surnom de "Chocolate Finger" ("Doigts en chocolat") en 2002 lorsqu’il avait engrangé près de 30 millions de dollars de bénéfices en effectuant un pari similaire. Il avait alors acheté 202 000 tonnes de cacao, provoquant une poussée de fièvre sur la fève. Il avait profité de l’envolée des prix pour revendre directement aux grands noms du secteur comme Nestlé ou Callebaut.
Compter les camions
Actuellement, Armajaro serait en discussion avec les gros fabricants. La revue spécialisée "Public Ledger" a rapporté, mardi, que le numéro un mondial du chocolat, Barry Callebaut, avait acquis, début juillet, 100 000 tonnes de fèves de cacao en Europe… Là où le fonds d’investissement détient tous les stocks ou presque. Le prix de la transaction n’a pas été révélé.
D’autant plus qu’on connaît mal les réelles quantités qui seront disponibles sur le marché. Du fait de la dispersion des petites exploitations de cacao, il n’y a pas de données centralisées. Un flou artistique qui pousse certains à des initiatives… originales. Le "Financial Times" rapporte ainsi que le géant américain de l'agro-alimentaire Cargill envoie ses agents en Côte d’Ivoire, qui produit 36 % du cacao mondial, pour compter le nombre de camion sortant des exploitations…