
Des milliers de spécialistes sont réunis à Vienne pour un sommet sur le sida, dominé par les craintes d'une baisse des financements internationaux. Un élu francilien, Jean-Luc Romero, a fait le voyage en Autriche. Il fait le point pour France 24.
Un climat d’inquiétude règne sur la dix-huitième conférence sur le sida qui s’est ouverte dimanche à Vienne. En cause, la crise financière et les plans de rigueur annoncés aux quatre coins du monde qui font redouter un allègement des dons. Dès l’ouverture du sommet, des dizaines d’activistes ont envahi la scène pour dénoncer le cynisme de certains États, qui rechignent à honorer leurs engagements en matière de lutte contre l’épidémie.
Le conseiller régional d’Ile-de-France Jean-Luc Romero fait parti de la délégation française à Vienne. En tant que membre du Conseil national du sida (CNS) il détaille pour France 24 l’avancée des discussions et les attentes des participants.
France 24 : Dans quel état d’esprit sont les participants de cette 18e conférence, placée, malgré elle, sous le signe de la crise économique ?
J.-L. Romero : On navigue ici entre inquiétude et impatience. Inquiétude car les financements et les dons ont tendance à stagner voire baisser. Impatience car les objectifs du Millénaire pour le développement fixés par l’OMS sont bien loin d’être atteints. [NDLR : Les objectifs prévoient entre autre d'enrayer la propagation du VIH/sida et de commencer à inverser la tendance actuelle d’ici 2015. Et d'achever l'accès universel au traitement du VIH/sida pour tous ceux qui en ont besoin d'ici 2010].
Aujourd’hui on estime qu’il nous faudrait 25 milliards de dollars pour lutter efficacement contre la maladie. Un chiffre certes important mais qu'est ce que c'est comparé aux dizaines de milliards mis sur la table au moment de la crise financière pour sauver les banques ? Donc avec tous les participants de cette conférence on est ici pour trouver ces milliards. Même si pour l’heure, on a plus d’inquiétudes que de certitudes.
France 24 : Quels sont les grands axes débattus lors de cette conférence ?
J.-L. Romero : On a beaucoup discuté des moyens à mettre en œuvre pour limiter le risque de transmission chez les toxicomanes. Les chiffres sont particulièrement inquiétants en Europe de l’est où l’épidémie progresse car les gouvernements refusent de mettre en place des échanges de seringues.
On tient aussi à réaffirmer les droits des homosexuels, bafoués dans de nombreux pays et qui constituent une entrave dans la lutte contre le sida. On a consulté les chiffres de plusieurs pays des Caraïbes qui montrent clairement que les pays qui pénalisent l’homosexualité ont un taux bien plus élevé que leurs voisins où elle est légalisée.
Dès lors il nous faut réaffirmer que la lutte contre l’homophobie fait partie intégrante de la lutte contre le sida. Concernant les porteurs du virus, il faut dire stop aux discriminations. On a l'impression que le sida est une maladie plus honteuse aujourd'hui qu'en 1987 !
France 24 : La France est le premier pays donateur d’Europe en matière de lutte contre le sida. Où en est le plan sida 2010-2014 qui n’a toujours pas été présenté par le gouvernement ?
J.-L. Romero : J’ai pu consulter les grandes orientations du plan sida 2010-2014 et c’est très inquiétant. Ce plan devait être annoncé à Vienne par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot, mais face à la levée de boucliers des associations qui l’ont consulté, il devrait finalement être dévoilé à l’automne. On est en juillet 2010 et le plan 2010-2014 n’a toujours pas été présenté...
En France, on attend une parole politique claire. Carla Bruni-Sarkozy a transmis hier un communiqué dans lequel elle rappelle son engagement. C’est très louable mais on attend surtout des faits de la part de son mari. En fait, le pays n’a plus de parole forte sur le sujet depuis la fin des années Chirac.
France 24 : Êtes-vous favorable à l’ouverture en France de centre d’injections pour les toxicomanes ?
J.-L. Romero : Bien entendu ! Comment se fait-il que de tels centres n’existent toujours pas en France ? Quelle hypocrisie ! La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILD) s’y oppose et le gouvernement n’a jusqu’ici pas osé aller contre ses recommandations. Ce qui fait qu’on distribue des seringues et des produits de substitutions aux toxicomanes sans leur offrir un centre pour les utiliser. C’est comme de leur dire "allez vous piquer dans les cages d’escalier". En Suisse, où ils sont autorisés, on note des résultats spectaculaires auprès de la population toxicomane.
De plus, il faudrait que chaque personne en France ayant une vie sexuelle, disons entre 14 et 77 ans, se voit proposer de passer un test. Chaque Français, à un moment de sa vie, devrait être allé faire le test. L’un des principaux enjeux est de dépister les personnes contaminées qui l’ignorent, mais pour cela il faut des paroles fortes de la part du gouvernement.
Suivez la conférence de Vienne sur le compte twitter de Jean-Luc Romero