Alors que la Bosnie s’apprête à célébrer, dimanche, le 15e anniversaire du massacre de Srebrenica, des extraits des carnets de guerre de Ratko Mladic ont paru dans la presse, dévoilant la logique guerrière implacable du général serbe.
"Refuser le plan [de paix] et poursuivre la guerre." C’est en ces termes que l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, dévoile, dans ces carnets, sa volonté jusqu’au-boutiste de refuser, en 1994, les négociations de paix de la communauté internationale après déjà plus de deux ans de guerre en Bosnie.
Ces 18 carnets saisis chez sa femme à Belgrade ont été largement repris par la presse bosniaque et croate et par le quotidien français "Libération" qui en publie, ce vendredi, des extraits. Ils débutent en juin 1991, date de l’éclatement de la Yougoslavie, et s’achèvent en 1996, un an après les accords de paix de Dayton qui signent la fin de la guerre en Bosnie.
Ces notes mettent en évidence la nature démesurément guerrière de Ratko Mladic et de Radovan Karadzic, ancien leader des Serbes de Bosnie, arrêté en juillet 2008 et actuellement jugé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Les deux hommes partagent la même confiance quant à l’issue de la guerre en leur faveur et s’opposent à plusieurs reprises à Slobodan Milosevic, président de la Serbie à l’époque, décédé à La Haye avant son procès.
En fuite depuis des années
Ce dernier, note "Libération", apparait comme "un plus fin politique et diplomate" que Karadzic et Mladic. En 1994, Milosevic, sentant le vent tourné et la pression de la communauté internationale s'accentuer, convoque à plusieurs reprises les deux hommes, afin de les persuader d’accepter l’accord de paix. "La logique militaire est claire, nous devons terminer la guerre." Mais rien n’y fait.
Mladic refuse de coopérer avec la communauté internationale qui l’avait pourtant prévenu que son refus "sera moche pour [lui], il y aura des bombardements de l’Otan". En 1995, après l’intervention de l’Otan, l’accord de paix se fait sans Karadzic et sans Mladic, toujours en fuite. Le fugitif est recherché par la justice internationale depuis des années, pour génocide et crimes contre l’humanité lors des massacres de Srebrenica en 1995.
En juillet 1995, les forces armées serbes de Bosnie, commandées par Ratko Mladic, massacrèrent 8 000 musulmans dans ce petit village de l’est de l’ancienne Bosnie-Herzégovine que l’ONU avait pourtant déclarée zone protégée. Ce nettoyage ethnique considéré comme le point culminant du conflit a été qualifié par le TPIY et par la Cour internationale de justice - plus haute juridiction de l’ONU - de génocide.
"Exactions, massacres, viols"
Si le rôle joué par Mladic dans les massacres de Srebrenica n’est plus vraiment à démontrer, l’opinion publique attendait beaucoup de ses carnets. Or, le général ne rapporte que quelques mots de cet épisode. Il s’agit même "de son carnet le plus court, 9 pages manuscrites" explique "Libération". Le chef militaire ne rapporte, en fait, que les propos du commandant des Casques bleus en Bosnie, le général Rupert Smith, prouvant que les forces de l’ONU avaient connaissance des massacres. "On dit qu’il y a des exactions, des massacres, des viols… Alors vous feriez bien de laisser entrer le HCR (Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés) et le CICR (Comité international de la Croix-Rouge)", aurait déclaré Rupert Smith. De quoi laisser un goût amer…
A deux jours des commémorations de Srebrenica, la cavale de Mladic fait à nouveau couler beaucoup d’encre. Une partie de l’opinion publique et les associations de victimes de Srebrenica demandent au président de la Serbie, Boris Tadic, de tout mettre en œuvre pour arrêter Mladic. Si certains accusent la Serbie de protéger le fugitif afin de ne pas rouvrir le dossier des responsabilités symboliques et financières, d’autres espèrent, en revanche, que la volonté serbe de se rapprocher de l’UE et de l’Otan pourrait se traduire par un nouvel effort dans la capture de l’homme le plus recherché au monde après Ben Laden.