Alors que l’UMP et plusieurs ministres s'en prennent violemment au site Mediapart et à son directeur E. Plenel (photo), Reporters Sans Frontières s’inquiète de la démesure des critiques et du danger qui plane sur le journalisme d’investigation.
"Une stratégie de l’abject", des "dérapages très graves" opérés par un média "poubelle du net" dont le rédacteur en chef est connu pour sa faiblesse déontologique : vendredi matin, le gouvernement Fillon s’est livré à un tir groupé contre Mediapart et son directeur, Edwy Plenel.
Un florilège de mots doux qui n’est pas du goût de Reporters Sans Frontières. Joint par France24.com, son secrétaire général, Jean-François Julliard, pointe "le manque de retenue, la démesure en permanence" d’un pouvoir "qui n’aime pas que la presse d’investigation joue son rôle".
Alors que le site Internet Mediapart publie depuis plusieurs semaines des révélations sur l’affaire Bettencourt – notamment les fracassantes déclarations de l’ancienne comptable du patrimoine Bettencourt, mises en ligne mercredi matin – RSF estime que les violentes attaques dirigées par plusieurs membres du gouvernement forment "un contre-feu, allumé pour détourner l’attention du fond de l’affaire". "Le pouvoir essaye d’en faire un débat sur l’éthique professionnelle, sur le journalisme en France, alors qu’il ne répond pas sur le fond à l’affaire" affirme Jean-François Julliard.
La réaction de l’UMP et de plusieurs ministres "inspire de la crainte" estime le secrétaire général de RSF, la crainte de ne plus pouvoir pratiquer sereinement le journalisme d’investigation, car "on veut faire payer à M. Plenel le fait de faire son métier !"
Plenel, "opposant politique"
Le réquisitoire de l’UMP contre Médiapart a ainsi pris un tour nouveau vendredi matin, plusieurs ministres s’en prenant personnellement à son directeur Edwy Plenel. Laurent Wauquiez, le secrétaire d’Etat à l’Emploi, voit ainsi en M. Plenel "un récidiviste de la calomnie" qui remonte à l’époque où le journaliste dirigeait la rédaction du Monde. Le quotidien avait, en 2003, investigué sur une supposée affaire de mœurs impliquant le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Dominique Baudis, avant de présenter des excuses pour les (fausses) informations publiées.
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- La 1re entreprise cosmétique du monde
- 17,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2009 (50 milliards toutes marques confondues)
- 23 marques (dont les prestigieuses Lancôme et Yves-Saint-Laurent Beauté)
- 64 600 employés dans le monde
- Une présence dans 66 pays
"On est exactement dans le même type de manipulation aujourd’hui" a renchéri le ministre de l’Industrie Christian Estrosi, alors que la secrétaire d’Etat aux Sports, Rama Yade, accusait Edwy Plenel d’endosser le costume "d’opposant politique" et déplorait son "acharnement" contre Nicolas Sarkozy.
Circonstances aggravantes
Depuis le début de cette semaine, la violence des attaques de l’UMP contre la presse, accusée d’employer des "méthodes fascistes" et de rappeler les pamphlets des années 1930, choque le milieu, dont le réflexe corporatiste est timide face aux accusations dont elle est l’objet.
"Ces accusations sont sidérantes, les bras m’en tombent" commente le directeur du Syndicat de la Presse d’information indépendante en ligne (Spiil), Maurice Botbol, joint par France24.com. "Les attaques de ce genre ne sont pas dignes de ceux qui les profèrent" ajoute t-il, considérant, comme RSF, que "Médiapart est dans son rôle normal de presse démocratique en publiant ces informations".
Pour le Spiil, la spécificité de ces attaques est de se concentrer sur Internet.
"Il y a comme une circonstance aggravante à publier une information en ligne, alors que juridiquement la presse en ligne a les mêmes droits et les mêmes devoirs que la presse écrite" précise M. Botbol.
Le Spiil a publié jeudi 8 juillet un communiqué de soutien à Médiapart, considérant que "les attaques lancées contre les informations du site Médiapart, accusé de colporter des ragots et des rumeurs par le seul fait qu’il est diffusé sur Internet, sont donc irresponsables".