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Le who's who de l'affaire Bettencourt

D'enregistrements secrets en témoignages accablants, le procès qui oppose François-Marie Banier à la fille de Liliane Bettencourt est devenu une affaire d'État. Retour sur ses protagonistes pour en comprendre les dessous.

L’affaire Bettencourt commence par ressembler à un cluedo des temps modernes. Entre la riche héritière, les courtisans et le majordome rancunier, tous les ingrédients pour un  drame familial classique de la haute société sont réunis. Mais, au fur et à mesure des révélations spectaculaires, la trace de l'argent de la riche héritière de L'Oréal semble mener tout droit à une affaire beaucoup plus grave, où des soupçons d’évasion fiscale et de conflits d'intérêts cèdent le pas à des allégations de financement illégal visant directement le chef de l'État français.

Liliane Bettencourt. La riche héritière de l’empire L’Oréal. La fortune, estimée à 22 milliards de dollars, et l’état de santé mentale de la fille du fondateur du groupe de cosmétique, 87 ans, sont au cœur du procès qui aurait dû débuter jeudi 1er juillet mais qui a été reporté - le tribunal correctionnel de Nanterre ayant demandé un complément d'enquête. Le photographe François-Marie Banier aurait tenté de profiter financièrement de l’état de faiblesse de la milliardaire. Peu bavarde, Liliane Bettencourt ne s'est pas souvent exprimée sur ses prétendues "absences". Dans un entretien au "JDD" en décembre 2008, elle a fermement défendu l’amitié qui la lie à François-Marie Banier. Et dans une interview accordée au "Monde" le 19 juin dernier, elle déclare être "très consciente d’avoir donné une partie de (sa) fortune". Elle a fourni au tribunal une expertise psychiatrique, concluant qu’elle est en parfaite santé. Mais Liliane Bettencourt refuse de consulter d’autres experts comme le demande sa fille.

François-Marie Banier. Le photographe de 63 ans. Il répond de l’accusation d’abus de faiblesse. Depuis qu’il côtoie Liliane Bettencourt, François-Marie Banier a pu accumuler un énorme pactole provenant de différents "dons" de la milliardaire. Entre 2002 –lorsque la santé mentale de l’héritière aurait commencé à se dégrader– et 2007, le photographe aurait reçu environ 1 milliard d’euros selon la police financière. Outre de gros chèques, il a également obtenu en nu-propriété des tableaux de maîtres comme Picasso, Fernand Léger ou encore Matisse. Dans la seule interview qu'il a accordée, au journal "Le Monde" en décembre 2009, François-Marie Banier évoque des "calomnies" et refuse d’être assimilé à un "courtisan".

Françoise Bettencourt-Meyers. La fille de Liliane Bettencourt. Elle a déposé plainte contre François-Marie Banier le 19 décembre 2007. Elle évoquait alors un prétendu projet, jamais avéré, d’adoption du photographe par la milliardaire. Plus largement, elle dénonce les "sommes qui dépassent l’entendement" que sa mère a offertes au photographe. Le camp Banier a très vite contre-attaqué laissant entendre qu’il s’agissait avant tout d’une manigance pour prendre le contrôle de L’Oréal. Le mari de Françoise Bettencourt-Meyers, Jean-Pierre Meyers (voir photo), est, en effet, vice-président du conseil d’administration de L’Oréal et administrateur de Nestlé. Il aurait, selon les accusations, envie de voir les deux géants se rapprocher.

Patrice de Maistre. Officiellement, il est le gérant de la fortune de Liliane Bettencourt à travers sa société Clymène. A ce titre, son nom apparaît à de nombreuses reprises dans le volet politico-fiscal de l’affaire. L’homme n’est pas très loin du centre du maelström médiatique depuis que le site "Mediapart" a révélé, mi-juin, des écoutes téléphoniques très embarrassantes pour la plupart des acteurs du scandale. Patrice de Maistre y apparaît comme le grand organisateur de l’évasion fiscale de Liliane Bettencourt. Il aurait ainsi, d’après les enregistrements, proposé le transfert de comptes en Suisse vers Singapour, et suggéré à l’héritière de ne pas déclarer au fisc français qu’elle était propriétaire d’une île grecque.

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Portrait de Patrice de Maistre
Le who's who de l'affaire Bettencourt

Les époux Woerth. Florence Woerth, la femme du ministre du Travail. Elle aidait depuis 2007 à la gestion de la fortune de Liliane Bettencourt. Une place trop exposée dès que les projecteurs se sont braqués sur les éventuelles manipulations fiscales révélées par les écoutes téléphoniques. L’opposition n’a pas tardé à utiliser la femme pour atteindre le mari, Eric Woerth. L’épouse a finalement démissionné le 22 juin. Mais, Eric Woerth n'en a pas fini pour autant avec ses détracteurs. Il est soupçonné d’avoir détourné le regard sur les pratiques fiscales discutables de Liliane Bettencourt, alors qu’il était ministre du Budget en 2007. Des soupçons nourris non seulement par le poste occupé par sa femme, mais également par ses liens directs avec Patrice de Maistre. Sur les écoutes, ce dernier laisse en effet entendre qu’il entretient des "liens étroits" avec le ministre…Le 6 juillet, le cas d’Éric Woerth s'aggrave quand Claire Thibout, l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt, accuse le ministre, également trésorier de l'UMP, d'avoir perçu de l'argent liquide destiné à financer illégalement la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.

Le maître d’hôtel, Pascal B. L’homme par qui le scandale est devenu politique. Pascal

B., majordome et maître d’hôtel, a remis à Françoise Bettencourt-Meyers six bandes d’enregistrements téléphoniques effectués au domicile de Liliane Bettencourt. Le contenu, explosif, de ces écoutes a été révélé par le site "Médiapart". Il a expliqué avoir donné "gracieusement" les bandes à la fille de la milliardaire, car il avait été dégoûté par le traitement réservé à plusieurs de ses collègues licenciés par Liliane Bettencourt.

Claire Thibout. Cette "petite femme au caractère bien trempé", comme l’a décrit son avocat, est le dernier personnage du casting de l’affaire Bettencourt. Elle est devenue le témoin qui en savait trop. Son nom émerge le 6 juillet du site d’information Mediapart, à qui elle a accordé une interview. L’ex-comptable qui exerça entre 1996 et 2008 chez Clymène, la société de gestion du patrimoine Bettencourt, y fait des révélations explosives : Éric Woerth aurait reçu, au printemps 2007, 150 000 euros en liquide pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy. Ce même Nicolas Sarkozy qui, lorsqu'il n'était que maire de Neuilly-sur-Seine, se rendait chez les Bettencourt et "recevait aussi son enveloppe". Sans compter les largesses accordées à de nombreux politiques, dont le candidat Édouard Balladur en 1995… Visée par une plainte pour "vol de documents" - Liliane Bettencourt l’accuse d’avoir subtilisé des documents comptables importants -, Claire Thibout a réservé ses déclarations fracassantes à la police avant de s’exprimer dans Mediapart le 6 juillet "par lassitude d’être accusée". "Elle en avait marre d’être traitée de voleuse", selon son avocat. Le lendemain, interrogée par les enquêteurs, elle se rétracte sur l’implication de Nicolas Sarkozy et d’Édouard Balladur.

Nicolas Sarkozy.
L’affaire Bettencourt prend une nouvelle dimension et éclabousse les plus hautes sphères de l’État quand le site Mediapart rend public mardi 6 juillet un entretien avec Claire Thibout - alias Claire T. -, l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt. Celle-ci révèle qu’André Bettencourt « arrosait large », et qu’il y avait « un vrai défilé d’hommes politiques dans la maison, ils venaient surtout au moment des élections.(…) Chacun venait toucher son enveloppe. » Y compris Nicolas Sarkozy, alors maire de Neuilly-sur-Seine. Devant les enquêteurs, mercredi 7 juillet, la femme est amenée à démentir cette information concernant Nicolas Sarkozy. Elle confirme cependant avoir eu connaissance au printemps 2007 d’une enveloppe d’un montant de 150 000 euros, à destination du trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, Eric Woerth. Le chef de l’État a fermement démenti ces accusations, évoquant "des calomnies sans réalité". Interrogé à ce sujet par la police, Patrice de Maistre a nié, lui aussi, les dires de Claire Thibout.