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Le macabre décompte du docteur Hassanein

Chef des services d'urgence dans la bande de Gaza, le docteur Mouawiya Hassanein compte les victimes des bombardements israéliens. En plus de son travail, il répond aux innombrables journalistes qui l'appellent chaque jour.

AFP - Le docteur Mouawiya Hassanein n'a pas de temps pour les civilités ces jours-ci. Lorsqu'un journaliste l'appelle, il énonce immédiatement le dernier bilan des morts de l'offensive israélienne et plonge de nouveau dans sa macabre comptabilité.

Chef des services d'urgence dans la bande de Gaza, le docteur Hassanein est devenu l'incontournable interlocuteur des médias arabes et internationaux lorsqu'il s'agit de connaître le nombre de morts et de blessés que font les attaques israéliennes lancées le 27 décembre dans la bande de Gaza.

"Chaque jour, je reçois au moins 200 coups de fil de journalistes et j'accorde une quinzaine d'interviews. Je ne lésine jamais sur l'information", confie le médecin, assis derrière un modeste bureau en bois dans une pièce exiguë de la direction des services d'urgence à Gaza.

Derrière lui, deux portraits du chef historique des Palestiniens Yasser Arafat et de son successeur à la tête de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ornent le mur, bien que les effigies des deux hommes aient disparu des administrations à Gaza depuis la violente prise de pouvoir par leurs rivaux du Hamas en juin 2007.

Dans son bureau, le Dr Hassanein, 55 ans, est tout le temps accroché au téléphone, fixe ou portable. Des voix hurlent sur le vieux talkie-walkie posé sur la table.

Quand ce ne sont pas les journalistes, ce sont les équipes de secouristes sur le terrain au bout de la ligne, lui communiquant les derniers chiffres sur les morts et les blessés, que le Dr Hassanein note dans son registre.

Et lorsque le téléphone et la radio se taisent, il profite du répit, généralement bref, pour mettre à jour ses chiffres.

Communicateur aguerri par des années de violences meurtrières, il prend lui-même l'initiative de contacter la presse lorsque le bilan de l'offensive israélienne franchit un seuil ou fait un bond spectaculaire.

Dimanche matin, quelque 875 Palestiniens avaient été tués depuis le début des opérations et près de 3.500 autres blessés.

Portant un pull-over en laine sous un gilet orange fluorescent maculé de taches, le Dr Hassanein commence visiblement à accuser le coup après 15 jours d'offensive israélienne. Mal rasé et les cheveux ébouriffés, il confie n'avoir pas pris de bain "depuis une semaine".

Désignant chaque mort par le terme "martyr", le Dr Hassanein n'hésite pas à se lancer dans des élans de patriotisme lorsqu'il parle aux médias locaux.

"C'est un nouveau massacre, une nouvelle tuerie qui a décimé une famille de Jabaliya. L'agression israélienne n'épargne rien ni personne. Le bilan total dépasse à présent 815 martyrs dont 235 enfants innocents, sans oublier 215 vaillants secouristes et trois héros journalistes et trois étrangers", lâche-t-il d'un seul trait à une radio de Gaza qui l'interrogeait en direct samedi matin à propos d'une frappe dans le nord de la bande de Gaza.

Outre le bilan des morts et des blessés, le Dr Hassanein s'occupe aussi de coordonner les ambulances qui évacuent les blessés et les morts après les attaques israéliennes.

"Nous disposons de 57 ambulances dont 35 seulement fonctionnent comme il faut. En temps normal, il nous faut 80 ambulances mais dans une situation comme celle d'aujourd'hui plus de cent", confie-t-il.

Sur son bureau, il exhibe les débris d'une roquette israélienne qui a coûté la vie à un de ses ambulanciers il y a quelques jours. "Moi aussi, j'ai peur lorsque je me déplace entre les hôpitaux et les sites des attaques israéliennes", confie-t-il.

"Je suis aussi un être humain et lorsque je vois les corps des enfants et des femmes, cela me fait de la peine mais je réprime mes larmes pour ne pas démoraliser les secouristes", ajoute-il.

Le Dr Hassanein a décroché son diplôme de médecin en 1984 dans une université de Roumanie, où il s'est aussi marié avec une Roumaine. Il a cinq enfants.

"Cela fait 15 jours que je n'ai pas vu ma famille. Je dors dans le bureau, et seulement trois heures par jour de façon intermittente", dit-il.

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