A partir du 1er juillet, obtenir la nationalité française dépendra des préfectures et non plus de la Sous-direction des naturalisations. Au grand dam de certaines associations de défense des étrangers.
Dorénavant, c’est au préfet seul qu’incombera la décision de trancher en faveur ou non des dossiers des étrangers, afin de raccourcir les délais d'instruction. La réforme, mise en œuvre auprès de 21 préfectures-tests depuis le 1er janvier 2010, a été jugée "positive" par le ministre de l’Immigration Éric Besson. Elle va donc s’étendre, dès le 1er juillet, à tout le territoire, DOM-TOM inclus. Et, la donne va, de fait, considérablement changer pour les candidats à la naturalisation.
La Sous-direction des naturalisations mise au placard
Concrètement, avant la réforme, le candidat devait déposer son dossier auprès de la préfecture de son lieu de résidence. Cette dernière émettait un avis positif ou négatif mais la décision finale revenait aux fonctionnaires spécialisés d’une autorité nationale : la Sous-direction des naturalisations (SDN). Ce ne sera plus le cas. Aujourd’hui reléguée à un rôle formel, la SDN se contentera de trancher les cas de contentieux et de promulguer les décrets. En cas de validation du dossier, la demande de naturalisation sera directement enregistrée par la préfecture, et en cas de refus, le demandeur devra engager lui-même un recours devant la SDN.
Pour le Conseil de modernisation des politiques publiques, le but est de supprimer la "double instruction" (Préfecture et SDN), de décentraliser, et d’aller, donc, plus vite.
Selon les chiffres du ministère, les délais de traitement dans les 21 préfectures pilotes sont passés de dix mois en 2009 à quatre mois en 2010 pour les dossiers rejetés et de douze mois en 2009 à cinq mois en 2010 pour les naturalisations. "Ces chiffres signent un cinglant démenti à tous ceux qui nous accusaient de vouloir restreindre l'accès à la nationalité française", a souligné le ministre.
Des traitements de dossiers "arbitraires" pour les opposants
C’est précisément ce gain de temps et de déconcentration des pouvoirs qui inquiètent l'historien Patrick Weil, professeur à l’université Paris I. Il dénonçait déjà en 2009 une réforme qui "creuserait inévitablement les écarts de délais d’instruction entre les départements et aboutirait à rompre l’égalité de traitement entre les candidats". A son initiative, une pétition de chercheurs avait été mise en ligne et s'inquiétait, entre autres, des qualifications d'agents préfectoraux "dépourvus de la compétence juridique nécessaire". Parmi les signataires, on retrouve Catherine de Wenden et Jacqueline Costa-Lascoux, directrices de recherches au CNRS, Serge Slama, spécialiste de droit public et Etienne Balibar, philosophe.
SOS Racisme évoque, de son côté, les "risques d'une rupture de l'égalité de traitement dû à tout administré et d'un arbitraire" dû au "bon vouloir de la préfecture qui examine la demande".
Car les demandes de naturalisations diffèrent en nombre selon les départements. Les détracteurs estiment que ce transfert de compétences induit un traitement différent d’une préfecture à l’autre, en fonction de ses moyens, de la quantité de demandes, et des orientations du préfet en matière de régularisation.