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Un ex-collègue de Jérôme Kerviel accable l'ancien trader

Un trader de la Société générale entendu comme témoin au troisième jour du procès de Jérôme Kerviel a contesté la principale ligne de défense du prévenu, qui affirme que les pratiques dont on l'accuse étaient courantes dans la banque.

AFP - "Ses actes, je ne les explique pas, je suis déçu par son comportement", a déclaré jeudi devant le tribunal correctionnel un ancien collègue trader de Jérôme Kerviel en affirmant que "tous les traders ont des limites à respecter".

Salim Némouchi, 31 ans, était le seul des quatre ex-collègues traders du prévenu appelés jeudi comme témoins à s'être présenté au tribunal.

Interrogé par le président, Dominique Pauthe, il a affirmé ne pas être au courant de pratiques de "trading" appliquées par Jérôme Kerviel, telles que la constitution d'un "matelas" (transfert de résultat) d'une année sur l'autre.

"Je suis très surpris", a rétorqué Jérôme Kerviel, glissant dans sa réponse un "c'est évident" un rien arrogant qui a agacé le président. "Mettez-vous dans le crâne que rien n'est évident dans ce dossier", lui a-t-il rappelé.

Comme la veille, le tribunal étudiait les limites supposées assignées aux traders pour leurs prises de positions sur les marchés financiers.

Jérôme Kerviel, 33 ans, est jugé pour avoir fait perdre à la banque Société Générale 4,9 milliards d'euros début 2008, après avoir pris à l'insu de sa hiérarchie des positions spéculatives exorbitantes, de dizaines de milliards, en déjouant tous les contrôles.

Il encourt cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.

La défense de Jérôme Kerviel, conduite par Me Olivier Metzner, a présenté un tableau extrait de "l'automate de trading" qu'utilisait Jérôme Kerviel, montrant qu'aucune limite technique n'était posée aux montants engagés.

"Toutes les limites avaient été désactivées", a lancé Me Metzner.

"Elles n'avaient pas été désactivées, mais à l'époque, il n'y avait pas de limites en nominal (...) On les a activées après la découverte de la +fraude+", a admis Claire Dumas, une responsable de la banque présente au procès au titre de la partie civile.

Pour ce genre de carence, entre autres, la Société Générale s'était vu infliger une amende de 4 millions d'euros par la commission bancaire.

Mais "c'est faux de dire que tous les traders dépassent les limites", a assuré Salim Némouchi, contrairement à ce qu'a dit Jérôme Kerviel, dont l'ancien collègue a déploré qu'il ait "mis en danger" la banque en l'engageant sur les marchés "pour des montants stratosphériques".

Il a raconté ses derniers échanges avec l'ancien trader. Ils ont bu un verre le soir du 18 janvier 2008 et, le 19, il recevait un SMS disant: "Je vais me faire virer. Content de t'avoir connu".

Me Metzner l'a titillé sur son métier, ses limites, ses résultats, après lui avoir demandé : "¨Pensez-vous que si vous disiez le moindre mal de la Société Générale vous seriez encore employé demain".

"Il n'est pas venu ici pour se faire insulter ! Vous insinuez un faux témoignage", se sont indignés les avocats de la banque.

L'audience avait commencé avec la projection d'un film réalisé par la Société Générale au mois de mai dernier dans une salle de marché. "Vous n'avez pas d'archives du desk +Delta One+, où travaillait Jérôme Kerviel", a demandé Me Metzner.

"Non", a-t-elle répondu. "Eh bien, nous vous les montrerons la semaine prochaine", a rétorqué l'avocat, laissant entendre que les images montrées ne pouvaient en rien attester de l'ambiance et des conditions de travail de Jérôme Kerviel jusqu'en janvier 2008.

L'audience reprend vendredi à 9H30, avec l'audition prévue de cinq employés, actuels et anciens, de la Société Générale.