Alors que Juan Manuel Santos (photo) manque de peu la victoire au premier tour, il réalise un score que les instituts de sondage n’avaient pas vu venir. Le chouchou des médias, Antanas Mockus, est loin derrière avec 21,5 % des suffrages.
Le phénomène Antanas Mockus ? "Une fiction médiatique" inventée "pour légitimer ces élections". Les mots sont durs, ce sont ceux postés par Piedad Cordoba, sénatrice charismatique et très populaire en Colombie, sur son compte Twitter, dimanche soir à l’annonce des résultats.
Car le premier tour de l’élection présidentielle colombienne a largement fait mentir les sondages. Ils donnaient le Vert Mockus au coude-à-coude avec le favori Santos, les tournesols (symbole de la campagne de Mockus) envahissaient les pages des journaux et une partie de la Colombie se laissait rêver à l’alternance… Mais selon des résultats officiels rendus publics dans la nuit, Juan Manuel Santos, le dauphin du président sortant Alvaro Uribe, remporte 46,6% des suffrages au premier tour. Son challenger, Antanas Mockus, arrive deuxième mais loin derrière avec 21,5% des suffrages exprimés.
Même Bogota boude Mockus
L’ampleur du triomphe de Santos est sans appel : il s'impose dans 31 des 32 départements colombiens, avec des scores souvent sans appel, d’après une infographie établie par le quotidien "El Tiempo". Le candidat conservateur recueille ainsi 45% des suffrages dans la région d’Antioquia, dont Alvaro Uribe fut le gouverneur, creuse l’écart avec son adversaire dans la nord du pays (plus de 56% contre 11,5 et 14% à Mockus dans les Etats de Bolivar et du Magdalena) et plafonne à plus de 75% dans la région pétrolière du Casanare, au centre-est du pays.
Antanas Mockus, lui, ne réussit même pas à faire basculer la capitale Bogota, dont il fut le maire à deux reprises : 27,5 % des suffrages pour le candidat Vert, contre 40,3% pour Santos. Mockus ne s’impose que dans un département et une grande ville, mais à chaque fois avec une faible avance sur Santos. A contrario, la diaspora colombienne - urbaine et éduquée - a choisit Mockus à plus de 58%.
Les deux tiers des voix pour la droite conservatrice
Mais le vote colombien du premier tour est-il vraiment une surprise ? Avec Santos, German Vargas (10%) et Noemi Sanin (6%), la droite conservatrice séduit finalement plus de 62% des électeurs. Soit quasiment le score réalisé par le président Uribe lors de sa réélection dès le premier tour à la présidentielle de mai 2006.
D’autre part, même si Santos avait changé de stratégie dans le dernier mois de la campagne, se recentrant sur la première préoccupation des Colombiens, l’emploi, il restait le candidat de la sécurité et du combat contre la guérilla des Farc, dans un pays exténué par la guerre civile. Ancien ministre de la Défense, Juan Manuel Santos est l’homme fort de deux épisodes marquants : l’attaque en mars 2008 d’un camp des Farc en Equateur, au cours de laquelle le numéro deux de l’organisation, Raul Reyes, était éliminé, et la libération, le 2 juillet 2008, des otages les plus précieux des Farc, dont Ingrid Bétancourt.
Faible marge de manœuvre pour Mockus
"M. Uribe, ceci est votre victoire et celle de tous ceux qui souhaitent préserver votre immense héritage." Dans ce qui sonnait comme le discours d’un vainqueur, Santos a rendu hommage dimanche soir à son parrain en politique et appelé à la formation d’un "gouvernement d’union nationale" à l’issue du second tour, qui se tiendra le 20 juin. Comme si cette seconde manche n’était plus qu’une simple formalité.
Car le report des voix semble très favorable à Santos. Celles de German Vargas et de Noemi Sanin lui sont acquises, venant des candidats de deux partis - le Changement radical et le Parti conservateur - qui ont toujours soutenu le gouvernement Uribe.
Antanas Mockus, lui, ne peut guère compter que sur les électeurs du candidat de gauche Gustavo Petro (9,15% - en large recul depuis les élections de 2006), et peut-être sur ceux du candidat libéral Rafael Pardo (4,4%) pour faire le plein de voix.
"Nous avons atteint un but qui semblait impossible il y a quelques mois" a déclaré Mockus à ses partisans à l’annonce des résultats, lui qui était crédité de moins de 10% des intentions de vote en mars. "Plus de trois millions de citoyens ont rejoint ce qui s'est transformé en une vague verte d'espérance", a-t-il poursuivi. "Je suis là parce que je le veux, pas parce que l'on m'a payé!" a conclu le candidat Vert, en forme de réponse aux durs mots de la sénatrice Piedad Cordoba.