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"Dignité", le dernier regard de l’Œil Public

Pour le compte d'Amnesty International, l’Œil public expose son dernier travail intitulé "Dignité - Droits humains et pauvreté" à l'Hôtel de Ville de Paris. Un projet photographique engagé, grâce auquel l’agence tire sa révérence en beauté.

Fantôme sorti du noir, elle regarde droit devant elle et transperce le spectateur du regard, avec son œil crevé. Teresa Jesus Caterina fixe l’objectif de Guillaume Herbaut. Humble. Digne. Violée avec sa fille par un régiment de militaires, elle a dû attendre dix ans et la mort de son mari pour raconter son histoire. Alors elle ne baisse pas les yeux. Et aimante le regard. 

Teresa est l’un des sujets de l’exposition "Dignité - Droits humains et pauvreté" proposée à l’Hôtel de Ville de Paris jusqu’au 3 juillet. Cinq photographes du collectif l’Œil public ont répondu à une commande d’Amnesty International passée il y a quatre ans, dans le cadre d’une campagne de sensibilisation relative aux droits humains.

"Avec le travail des photographes engagés de l’Œil public, nous voulions interpeller. Faire en sorte que tous aient envie d’agir ensemble et que le monde change", a expliqué Geneviève Garrigos, la présidente d’Amnesty International, dans le discours qu'elle a prononcé lors de l'inauguration de l'exposition, le 18 mai.

Les cinq reportages de Philippe Brault, Guillaume Herbaut, Jean-François Joly, Johann Rousselot et Michael Zumstein traitent des violations des droits fondamentaux en Inde, au Nigeria, en Macédoine, en Égypte et au Mexique.

L’Œil public, engagé jusqu’au bout

La dignité. Un beau sujet pour la dernière exposition de l’Œil public, un collectif de photojournalistes engagés qui a dû déposer le bilan en janvier dernier après 15 années d’activité. La crise de la presse et les difficultés du photojournalisme lui ont été fatales.

Indépendance, autonomie et surtout engagement auront cependant été ses maîtres mots. Fondé en 1995 par quatre jeunes photographes, le collectif s’est toujours distingué par ses reportages à caractère socio-anthropologiques. Au service d’une cause, ses membres vont ici jusqu’au bout de leur démarche.

"Quand on est derrière notre appareil, on se demande toujours si nos photos peuvent être utiles, si elles peuvent servir la société, comment elles apportent de l’information. Et là, pour la première fois, je me suis senti utile. C’est un acte de militantisme ", explique Guillaume Herbaut, qui propose ici un travail sur le Mexique.

Le pays ne lui est pas inconnu. Il y avait effectué en 2007 un travail sur les violences faites aux femmes à Ciudad Juarez, connue pour être l’une des villes les plus dangereuses au monde. Pour Amnesty, qui lui a laissé carte blanche, il a décidé cette fois de se pencher sur la région de la Montaña, dans l’État du Guerrero, peuplé à 80 % d’indigènes.

Il y retrouve une violence endémique qui accable les populations autochtones déjà frappées par une extrême pauvreté. "C’est une région violente, sauvage, et désespérée. La première cause de mortalité y est l’homicide", explique-t-il.

Si Guillaume Herbaut est bien décidé à poursuivre ce travail et à retourner dans la Montaña, cette exposition est aussi, pour lui, la fin d’une aventure qui s’achève comme elle a commencé : tout en beauté. "On a commencé l’Œil public en faisant des expositions gratuites dans des lieux ouverts comme des laveries automatiques. Avec cette dernière exposition, cela fait un début et une fin cohérente", conclut-il un brin nostalgique.

"Dignité - Droits humains et pauvreté", du 19 mai au 3 juillet 2010 à l'Hôtel de ville de Paris, accès libre.