, envoyé spécial à Cannes – La Corée du Sud revient dans la compétition mercredi avec "Poetry" de Lee Changdong, un mélodrame au ton juste, portée par une héroïne hors du commun (Yun Junghee), qui pourrait tout à fait prétendre au Prix d’interprétation féminine.
Après le peu convaincant "The Housemaid", la Corée du Sud profite d’une deuxième chance pour tenter de remporter la Palme d’or dimanche, avec "Poetry", de Lee Changdong – le cinéaste qui a concouru à Cannes il y a trois ans avec "Secret Sunshine". S’il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre, "Poetry" est un mélodrame raffiné, élégant comme un bon roman. Le film est porté par la performance de la célèbre actrice coréenne Yun Junghee, qui se hisse aux côtés de Lesley Manville (pour "Another Year", de Mike Leigh), et de Juliette Binoche (pour "Copie conforme" d’Abbas Kiarostami), parmi celles qui peuvent prétendre au Prix d’interprétation féminine.
Yun Junghee est Mija, une femme d’environ 60ans, élégante et courageuse, amatrice de poésie, qui doit faire face à deux problèmes majeurs. On vient de lui diagnostiquer la maladie d’Alzheimer, ce qui lui demande d’autant plus d’efforts pour trouver les bons mots à coucher sur le papier. Et elle découvre que son petit-fils, adolescent dont elle a la charge, est impliqué dans le viol collectif d’une camarade de classe qui s’est suicidée à la suite du drame.
La caméra de Lee Changdong est patiente, le scénario se déroule avec lenteur, et l’intrigue tombe parfois dans la préciosité. Mais le résultat est tout de même surprenant : il s’agit de l’odyssée d’une femme au crépuscule de sa vie, qui parvient à se réinventer dans les situations les plus désespérées. Si le fil directeur du film reste quelque peu prévisible, le réalisateur (qui a également signé le scénario) parvient à surprendre par d’intrigants détours.
Dans le film, Mija est amenée à rencontrer des personnes de son entourage, comme les pères des amis de son petit-fils, son patron paralysé, la mère de l’adolescente qui s’est suicidée... On ressent la tension qui caractérise les personnes qui touchent leurs limites. Mija est en somme une héroïne originale : une grand-mère à la fois curieuse et intuitive, capable de faire preuve de sensibilité et d’endurance dont elle ignorait l’existence jusqu’alors ; une femme qui laisse contre toute attente son empreinte sur le monde.