
, envoyé spécial à Cannes – Juliette Binoche aux côtés d'Abbas Kiarostami (en interview dans notre émission spéciale, voir la vidéo), et Lambert Wilson dans le film de Xavier Beauvois : les deux acteurs français ont créé l'événement sur la Croisette mardi.
Le tapis rouge a eu sa dose de glamour, mardi lorsque Juliette Binoche et Lambert Wilson sont arrivés sur la Croisette pour défendre leurs films en compétition. Juliette Binoche, actrice fétiche du cinéma français, tient le rôle principal dans le dernier film d’intrigue amoureuse du réalisateur iranien Abbas Kiarostami "Copie Conforme" ; Lambert Wilson étincelle dans le film de Xavier Beauvois "Des hommes et des dieux". Les deux œuvres bien que différentes, développent chacune leur part de mystère. Elles ne fournissent aucunes réponses concrètes aux questions qu'elles soulèvent, mais se révèlent être deux films de grande qualité, dans une compétition officielle plutôt décevante pour le moment.
Juliette Binoche figure sur quasiment chaque plan de tournage, dans ce film "Copie Conforme", réalisé par Abbas Kiarostami, en Italie. C'est la première fois que le lauréat de la Palme d'Or 1997 pour "Le Goût de la Cerise", tourne un film en dehors de son pays natal, l'Iran.
Le long-métrage s'ouvre avec l'histoire d'une propriétaire d’une galerie d’art (Juliette Binoche), qui assiste à la conférence d’un critique d’art anglais (le chanteur d’opéra William Shimell, admirable dans un premier rôle difficile). Ils partent tous deux dans un voyage à travers la campagne toscane. La nature ambiguë de leur relation est au cœur du l’intrigue.
1997 : l'Unesco lui décerne la médaille " Fellini ".
1997 : Palme d’Or du Festival de Cannes pour "Le Goût de la cerise"
1999 : Prix spécial du Jury pour "Le vent nous emportera" à la 56e Mostra de Venise
Le film laisse croire, au début, que les deux protagonistes ne se connaissent pas. Ils s’engagent dans un débat sur le thème de l’art et de l’imitation ; leurs propos se mêlent à un jeu de séduction déconcertant. Au fur et à mesure que le film avance, le spectateur se demande ce que sont exactement les personnages l’un pour l’autre. Kiarostami se lance alors dans la seconde partie de son film avec un éclairage nouveau sur les protagonistes.
"Copie Conforme" offre un exercice de style, un de ceux dont le script aurait pu être encore mieux ficelé, mais qui reste toutefois provocateur et remarquable. C’est un piège subtil dans lequel le réalisateur pousse le spectateur, tenté de démêler vainement le vrai du faux, à scruter des indices dans l'expression des visages du couple, filmés en gros plan. Juliette Binoche est merveilleuse à l’écran, laissant découvrir dans son jeu plusieurs strates de désir, de colère et de regret.
Quant à lui, Lambert Wilson livre une performance moins expressive, mais parfaitement adaptée à son rôle de chef de monastère, dans le film du Français Xavier Beauvois, "Des Hommes et des Dieux", également en compétition officielle. Le long-métrage propose de revenir sur le douloureux passé des relations franco-algériennes, au moment de l'assassinat des moines trappistes de Tibéhirine, en 1996. Plutôt que de verser dans le film historique pompeux, Xavier Beauvois a tissé une trame en accord avec la vie monastique : silencieuse, lente, à l'abri des regards. Cette approche lui permet d'instiller de la tension dramatique avec parcimonie dans le quotidien de ces hommes, rythmé par la prière, les repas pris en commun, les relations paisibles avec le voisinage musulman. Jusqu'à ce que la menace grandissante des musulmans extrémistes vienne perturber le calme du monastère.
Intelligemment et rondement mené, le film de Xavier Beauvois n'arrive cependant pas à faire comprendre les ressorts qui permettent aux moines de regarder la mort en
1995 : "N'oublie pas que tu vas mourir", Prix du Jury au Festival de Cannes
2000 : "Selon Matthieu"
2005 : "Le Petit Lieutenant"
2010 : "Des hommes et des dieux"
face. Les acteurs sont presque trop uniformément virtuoses pour laisser transparaître de vrais personnages. Et la scène où ils prennent une décision collective, supposé être le climax du film, manque un peu de dramaturgie. On s'attendrait à voir les hommes vivre un dilemne impénétrable entre l'instinct de préservation et leur consécration à Dieu. Mais le rendu cinématographique est plutôt sec et froid.
L'étoffe du film devient plus complexe et plus intrigante à quelques scènes de la fin, quand les moines se réunissent pour leur dernier repas. Xavier Beauvois filme les visages de près, un à un, portant un verre de vin à la bouche et écoutant "le Lac des cygnes" de Tchaïkovsky. Ils jouissent de derniers menus plaisirs, tout en sachant le destin qui les attend. Même avec ses imperfections, le mystère qui se distille au long du film de Xavier Beauvois hante longtemps les esprits. Plus durablement que l'énigmatique long métrage d'Abbas Kiarostami.