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La spéculation contre l'euro continue, tandis que l’Europe tente de rassurer les marchés. Mais une baisse est-elle réellement mauvaise ? Le point de vue d’Antoine Berthou, économiste au Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales.

D’un côté, l’Europe tente d’enrayer la spéculation contre sa monnaie et de l’autre le président de la Banque centrale, Jean-Claude Trichet, estime que l’euro est à un "niveau acceptable". Alors faut-il s’inquiéter ou pas ?

Antoine Berthou : Avant la crise en Grèce, tout le monde était d’accord pour dire que l’euro était surévalué, donc sa dépréciation face au dollar est naturelle. Tant que la monnaie européenne reste au-dessus de 1,2 dollar, la situation n’est pas inquiétante. J’estime que si elle continue à baisser et qu’elle s’installe durablement à 1 euro pour 1 dollar on pourra alors réellement parler de crise de l’euro.

 L’euro va-t-il continuer à baisser ?

Il est probable qu’il poursuive sa chute. Il faut bien comprendre l’origine de cette baisse pour en mesurer l’ampleur. La crise budgétaire grecque n’est qu’un facteur déclencheur. Avant cela, la situation des pays du sud de la zone euro indiquait qu’une dépréciation était inévitable. En effet, en Espagne, au Portugal ou encore en Grèce, les prix avaient augmenté ces derniers temps ce qui avait rendu ces pays moins compétitifs au niveau international. Généralement, dans ces cas là, les États font baisser la valeur de leur monnaie pour réajuster les prix. Seulement, comme ils font partie d’une zone de monnaie unique, ils ne peuvent pas actionner ce levier.

 Pourquoi assiste-t-on à un emballement spéculatif contre l’euro sur les marchés ?

Les marchés spéculent à la baisse pour tester les institutions européennes. En effet, pour gagner de l’argent, les opérateurs veulent avoir un certain degré d’assurance concernant leurs placements. Avec l’éclatement de la crise grecque, les marchés se sont retrouvés face à une situation inédite où un pays risquait d’être en cessation de paiement. Ils veulent mesurer la capacité de réaction des pays de la zone euro. Ils mettent donc la pression sur la monnaie pour obliger l’Europe à prendre des décisions et ainsi sortir de cette période d’instabilité mauvaise pour leurs affaires.

 Pour vous, cette chute de l’euro est donc une bonne chose ?

Elle a indéniablement des avantages. Si vous interrogez des chefs d’entreprise, ils vous diront que c’est, en effet, positif. Un euro moins fort signifie davantage d’exportations. Les États, aussi, ont des raisons de voir cette dépréciation d’un bon œil car elle entraîne une réduction des importations, ce qui contribue à équilibrer les budgets. Mais un euro trop faible a également des effets négatifs.

 Et quels sont ces inconvénients ?

Certaines importations sont nécessaires entraînant une augmentation de leur facture. C’est le cas du pétrole par exemple. Comme il s’achète en dollar et que l’euro baisse, l’addition est plus élevée. Ce qui va rapidement se traduire par une augmentation du prix du carburant. A moyen terme, il y a aussi un risque inflationniste. A un moment donné, les entreprises étrangères qui, pour l’instant, n’ont pas augmenté leur facture en euro en attendant de voir, vont vouloir récupérer leur marge si la monnaie européenne se maintient à un niveau bas. Conclusion : le prix des téléviseurs et des ordinateurs importés d’Asie, par exemple, va finir par augmenter.