
Cette décision pourrait modifier l'issue du scrutin, remporté de justesse par la liste Irakia de l'ex-Premier ministre Iyad Allaoui. Celui-ci a demandé aux avocats de son parti de faire appel de l'invalidation des résultats.
AFP - L'élimination de députés irakiens fraîchement élus accusés de sympathie avec le Baas de l'ancien dictateur Saddam Hussein, risque d'aboutir à une crise institutionnelle majeure en Irak qui inquiète les Etats-Unis, engagés dans un processus de retrait de leurs troupes.
"L'instance judiciaire de la commission électorale a invalidé lundi 52 candidats, dont deux ont été élus, pour leurs liens avec le parti Baas et mardi elle se prononcera encore sur neuf autres vainqueurs", a affirmé à l'AFP Ali al-Lami, directeur général du Comité Responsabilité et Justice, chargé d'identifier les candidats ayant des liens avec l'ancien parti Baas.
"L'un d'entre eux, Ibrahim Mohammad Omar, appartient à la liste du Bloc irakien (Iraqiya, de l'ex-Premier ministre laïc Iyad Allawi). Tous les recalés peuvent faire appel mais il y a peu de chance qu'ils soient repêchés", a ajouté ce responsable, qui n'a pas été élu aux élections.
Le premier élu invalidé est le frère de Saleh al-Motlaq, un ténor sunnite du Parlement sortant déjà interdit de concourir par ce comité anti-Baas.
M. Lami n'a pas été en mesure d'indiquer l'affiliation du second élu. Il a précisé que 22 des 52 éliminés représentaient le Bloc irakien.
"Nous allons prendre des mesures face à cette dangereuse situation et nous avons chargé un groupe d'avocats de déposer un recours contre cette décision devant la cour d'appel. Je suis sûr que nous réussirons", a déclaré M. Allawi en visite en Turquie.
Ces recalés ont un mois pour faire appel devant un panel de sept juges qui avait été désigné par le Parlement, a précisé Mme Hamdiya al-Husseini, un des responsables de la Commission électorale.
"Il s'agit de l'assassinat du processus démocratique. Il n'existe pas d'élection dans le monde qui annule les votes et c'est pourtant ce qui se passe, c'est un crime contre la volonté des électeurs", a déploré Haïdar al-Mollah, un des porte-parole du Bloc irakien.
"Nous avons préparé une lettre pour (l'envoyé spécial de l'ONU en Irak Ad) Melkert pour tenter d'en finir avec cette comédie. Nous sommes visés et on cherche à annuler nos sièges", a-t-il dit à la télévision.
Il a évoqué la possibilité d'un retrait total de sa liste, qui a fait le plein des voix dans les régions sunnites. Une telle décision pourrait relancer la guerre confessionnelle qui semé le chaos dans le pays en 2006 et 2007.
Ces invalidations peuvent avoir des conséquences considérables sur les résultats des élections, selon les interprétations de la loi électorale. Selon M. Lami, un chiite qui voue une haine farouche aux baassistes, les "bulletins qui se sont portés sur les candidats éliminés sont annulés", ce qui ferait perdre à la liste Allawi au moins un siège.
Mais un membre de la commission électorale, Iyad al-Kinani, a indiqué à l'AFP les résultats seraient inchangés, l'éliminé étant remplacé par le candidat suivant sur la liste.
L'ambassadeur américain à Bagdad Christopher Hill s'est dit inquiet du retard pris dans la formation du gouvernement, près de deux mois après le scrutin.
"Nous approchons de la période de deux mois et nous sommes inquiets face au processus qui traîne en longueur", a-t-il dit aux journalistes.
Ce nouveau coup de théâtre intervient après la décision de la commission électorale de recompter manuellement les bulletins dans les 11.000 bureaux de vote de la province de Bagdad, à la demande du Premier ministre sortant Nouri al-Maliki.
Le décompte, qui n'a pas encore commencé, pourrait durer entre dix jours et deux mois, alors que le pays est confronté un vide institutionnel.
A l'issue des législatives du 7 mars, Iyad Allawi avait obtenu 91 sièges, contre 89 pour M. Maliki, 70 à l'Alliance Nationale Irakienne (ANI) qui regroupe deux formations chiites conservatrices et 43 à l'Alliance kurde.