Trente ans après les événements du 20 avril 1980, le Printemps berbère reste le symbole de la lutte de la Kabylie pour l'affirmation de son identité. Malgré les dissensions qui, au fil des années, ont quelque peu émoussé la mobilisation.
Le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), dirigé par Ferhat M’henni, chanteur et ex-cadre du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), a réuni une centaine de ses militants, mardi, devant l’ambassade d’Algérie en France à l’occasion du 30e anniversaire du Printemps berbère, commémorant des évènements survenus en Kabylie le 20 avril 1980. Mot d’ordre de la manifestation : "Liberté pour le peuple kabyle".
Pour Ferhat M’henni, la manifestation de mardi est "une démonstration éloquente de la puissance de la mobilisation du MAK". Symboliquement, le militant de la cause identitaire berbère donne au pouvoir algérien jusqu’à ce mardi minuit pour reconnaître l’autonomie de la Kabylie. "Faute de quoi, avertit le fondateur du MAK, nous mettrons sur place un gouvernement provisoire, dont les membres seraient répartis entre la France et la Kabylie."
Les autonomistes vont former un "gouvernement provisoire"
Mais la Kabylie est loin de partager le combat autonomiste de Ferhat M’henni. Dans cette région de l’Algérie, le temps semble s’arrêter depuis 30 ans à la même période. Histoire de célébrer ces évènements réprimés dans le sang par les autorités algériennes un jour de printemps 1980.
Ces évènements sont devenus un repère, un élément de la mémoire collective de la région ; ils n’en sont pas moins un repère pour la démocratie algérienne loin d’être achevée. De cette histoire, de cette mémoire, est né un printemps, un Printemps berbère.
Ce qui s’est passé le 20 avril 1980 ? Le pouvoir algérien viole la franchise universitaire et s’attaque de nuit aux militants berbéristes à l’université de Tizi Ouzou, à 100 km à l’est d’Alger, dont la protestation après l’interdiction d’une conférence sur l’identité berbère du célèbre écrivain algérien Mouloud Mammeri, dure depuis des jours. Résultat : affrontements violents, des étudiants pourchassés, tabassés, dont 24 seront emprisonnés, et une population plus que jamais en état de révolte.
Les "printemps" se suivent mais ne se ressemblent pas
Trente ans plus tard, le Printemps berbère reste le symbole d’une lutte, celle de la Kabylie pour l’affirmation de son identité berbère. Celle, globalement, de l’Algérie pour l’affirmation d’une vraie démocratie, car le Printemps berbère est surtout un combat pour la consécration des libertés.
Mais en 30 ans, les divisions ont miné la mobilisation. C’est ainsi que la marche organisée dimanche dernier par le collectif associatif Tafsut 2010 n’a rassemblé que 500 personnes place de République, à Paris. Tahar Metress, président de l’Association culturelle des Berbère de Kabylie, basée à Montpellier, ne cache pas sa déception : "Je n’en reviens pas : une marche initiée par un collectif associatif dans une région où vivent des milliers de kabyles et de berbères de tous horizons rassemble à peine 500 personnes ! Et au final, le MAK récupère la mise en s’en appropriant l’initiative. Oui, tout cela me déçoit énormément." Tahar Metress voit dans cette démobilisation l’échec des associations berbères, "qui ne font pas leur travail de mobilisation".
Depuis le 20 avril 1980, d’autres évènements plus dramatiques, connus sous le nom de Printemps noir, ont balayé la Kabylie. En avril 2001, une deuxième révolte éclate en Kabylie, à la suite de la mort d’un jeune lycéen dans les locaux de la gendarmerie. Des affrontements qui coûteront la vie à 120 personnes, jeunes pour la plupart.