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Réfugié dans le sud du pays, Kourmanbek Bakiev refuse de quitter ses fonctions. Le président kirghize déchu reste toutefois disposé à engager des négociations avec l'opposition qui s'est emparé du pouvoir à la faveur d'une sanglante révolte.

AFP - Le président déchu du Kirghizstan, Kourmanbek Bakiev, s'est dit prêt à négocier avec l'opposition mais refuse toujours de démissionner, assurant que son objectif principal était de prévenir une guerre civile, dans une interview exclusive à l'AFP vendredi.

"Je serais prêt à m'asseoir à la table de négociations avec l'opposition", a déclaré M. Bakiev, interrogé dans une maison au style kirghize traditionnel dans la ville de Djalal-Abad, bastion de son soutien dans le sud de cette ancienne république soviétique d'Asie centrale.

"Je ne projette pas de quitter le pays et je ne vais pas démissionner de la présidence", a-t-il assuré sur un ton confiant.

Il s'agit de la première confirmation de la présence de M. Bakiev dans son pays, alors que certaines sources évoquaient un départ à l'étranger.

Les journalistes de l'AFP ont été amenés à cette maison en présence de deux gardes, par un itinéraire très complexe, afin de ne pas pouvoir localiser l'endroit avec précision.

Le président déchu a fui la capitale Bichkek mercredi après des affrontements sanglants entre policiers et manifestants d'opposition, qui ont fait 76 morts et 1.520 blessés, selon le bilan officiel.

Ses adversaires, emmenés par l'ancienne ministre des Affaires étrangères, Rosa Otounbaïeva, ont formé un gouvernement intérimaire et réclament sa démission.

"Je ne m'attends pas à une guerre. Mon objectif principal est de prévenir le conflit et la guerre civile", a encore souligné M. Bakiev, qui semblait fatigué mais détendu.

Vêtu d'un costume bleu foncé à rayures et d'une chemise à col ouvert, il a reçu le journaliste et le photographe de l'AFP dans la salle à manger, avec du pain et des fruits sur la table et leur a offert du thé et de l'eau. Deux gardes armés étaient visibles dans la cour intérieure.

M. Bakiev a rejeté sa responsabilité dans les violences, affirmant n'avoir pas donné l'ordre de tirer sur les manifestants. "Je n'ai pas donné l'ordre à mes subordonnés de tirer. Ce n'est pas moi qui ai du sang sur les mains".

Les forces de l'ordre n'ont fait que respecter la loi qui les autorise à utiliser les armes contre les personnes attaquant la présidence, le gouvernement ou le Parlement, a argué M. Bakiev, mettant en cause l'opposition. "Ils ont ouvert le feu conformément à la loi", a-t-il dit.

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"Ces gens qui ont envoyé des personnes armées attaquer la Maison blanche (siège du gouvernement, ndlr) ont du sang sur les mains. C'est l'opposition qui a les mains ensanglantées", a-t-il affirmé.

Et il a rejeté les accusations de corruption ou népotisme visant son régime: "C'est un vieux refrain. Tout président peut être accusé une fois qu'il n'est plus en poste".

M. Bakiev a par ailleurs estimé que les Etats-Unis et la Russie n'avaient joué aucun rôle dans ce soulèvement, rejetant les spéculations selon lesquelles Moscou pourrait être impliqué parce qu'il avait maintenu une base militaire américaine.

"Je ne pense pas que la Russie ou les Etats-Unis étaient impliqués dans ces événements", a-t-il dit, se refusant à tout autre commentaire. Selon certains médias, il avait auparavant déclaré que des forces étrangères avaient joué un rôle dans le soulèvement.

Le président déchu a par ailleurs affirmé avoir été visé par un tireur d'élite au moment où l'attaque contre le siège du gouvernement avait commencé.

"Je suis allé aux toilettes pour me laver les mains. Je n'ai pas remarqué le tireur d'élite à cause des rideaux. Il a tiré plusieurs fois mais ne m'a pas atteint. Si les rideaux n'avaient pas été là, j'aurais été mort".