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À la veille d'un scrutin crucial, l'opposition menace de boycotter les urnes

Dix jours avant la tenue des élections nationales, une crise politique majeure guette le Soudan. Les partis d'opposition, qui exigent un report de l'échéance, menacent de ne pas prendre part aux scrutins.

AFP- Le Soudan était plongé mercredi dans une crise politique majeure, l'opposition menaçant de boycotter les élections nationales prévues dans à peine dix jours au grand dam du président Omar el-Béchir, qui espère une victoire électorale pour redorer son blason.

Elections ou non? La classe politique ainsi que de nombreux Soudanais se posent la question à l'approche du premier scrutin multipartite en 24 ans, premier véritable test électoral pour M. Béchir. Ce dernier a pris le pouvoir en 1989 à la faveur d'un coup d'Etat militaire soutenu par les islamistes.

Les partis d'opposition ont maintenu mercredi une ligne dure en exigeant un report à novembre des élections législatives, régionales et présidentielle prévues du 11 au 13 avril.

"S'il y a une élection, ce sera une catastrophe pour le Soudan", a déclaré à la presse Farouq Abou Issa, porte-parole du "consensus national", un regroupement de partis d'opposition, à l'issue d'une réunion commune à Omdurman, ville jumelle de Khartoum.

"Nous réaffirmons l'importance d'un report des élections jusqu'en novembre afin de tenir des élections libres et justes (...). Un simulacre d'élection causera plus de problèmes qu'autre chose au Soudan", a renchéri Mariam al-Mahdi, responsable du parti Umma (nationaliste).

L'opposition affirme que les conditions pour un scrutin "libre" et "équitable" ne sont pas réunies et que l'insécurité au Darfour ne permet pas la tenue d'un scrutin.

Mais M. Béchir a affirmé mercredi que "les élections ne seront ni reportées, ni annulées. Elles auront lieu à la date prévue (...). Le SPLM est d'accord avec nous".

Des organisations internationales comme International Crisis Group (ICG) et Amnesty International ont apporté de l'eau au moulin de l'opposition en mettant en doute la possibilité d'élections crédibles.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Norvège ont également exprimé leur inquiétude "concernant des informations faisant état de difficultés administratives et logistiques, mais aussi d'atteintes aux libertés politiques".

"Nous exhortons toutes les parties au Soudan à travailler d'urgence pour faire en sorte que les élections puissent se dérouler de manière pacifique et crédible", ont déclaré dans un communiqué commun les chefs de la diplomatie américaine Hillary Clinton, britannique David Miliband et norvégien Jonas Store.

Si les élections ne sont pas reportées à l'automne comme elle l'exige, l'opposition pourrait décider de boycotter le scrutin, un scénario catastrophe pour M. Béchir qui cherche à se légitimer alors qu'il est sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour.

Le boycott des élections est un sujet délicat pour les ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), à la fois membres minoritaires d'un gouvernement d'union nationale avec le parti du président Béchir et acteurs de premier plan au sein du regroupement de l'opposition, sans être techniquement membres de l'opposition.

Les sudistes s'étaient engagés à demeurer solidaires de l'opposition, mais ne peuvent se permettre de compromettre le référendum-clé de janvier 2011 sur la sécession du Sud-Soudan. "Si le SPLM rejette les élections, nous allons rejeter le référendum", a prévenu cette semaine M. Béchir.

"Le SPLM ne boycottera pas les élections au Sud-Soudan et dans les Etats limitrophes du Nil bleu et Kordofan-Sud. Mais nous pourrions boycotter les élections au Nord-Soudan", a déclaré à l'AFP Pagan Amum, secrétaire général du parti.

Le SPLM et l'opposition doivent en principe se réunir jeudi pour décider d'un éventuel boycott. S'ils boycottent les élections dans le Nord, le parti de M. Béchir triomphera sans gloire aux élections.