Une jeune Haïtienne de 17 ans, victime d'agressions sexuelles à Port-au-Prince, où elle vit dans la rue depuis le séisme, a été placée en zone d'attente à Orly, après avoir tenté de passer la frontière avec un passeport qui n'était pas le sien.
Lundi, Watlove Carrie, 17 ans, a tenté sa chance. Celle de s’arracher au calvaire des rues dévastées de Port-au-Prince en quittant Haïti pour la France. Deux jours après son arrivée, elle n’a pas encore foulé le sol français : elle est coincée en zone d’attente.
Obtenir un visa français est une mission impossible pour les Haïtiens. Obéissant au système D régnant en maître dans son pays, Watlove a "emprunté" un passeport. La police des frontières n’a pas été dupe et la jeune femme a été arrêtée à Orly, en descendant de l’avion.
Son histoire est tristement banale. Jusqu’au jour du séisme, elle vit avec sa grand-mère dans la capitale haïtienne. Une vie humble, mais paisible, aux côtés de son petit frère mais loin de ses parents. Membres d’un parti politique d’opposition sous Aristide, persécutés par la police, ils ont été contraints de fuir leur pays pour la France en 1999.
Le 12 janvier en fin d’après-midi, la maison de sa grand-mère s’effondre comme un château de cartes sous la violence du tremblement de terre. De la bâtisse, il ne reste qu’un tas de béton émietté. La vieille femme n’a pas survécu.
Comme un million d’Haïtiens, Watlove et son frère Nelson se retrouvent dans la rue. "Ils dormaient dehors, sous des draps. Ces derniers jours, il a plu, ils étaient mouillés jusqu’aux os", se désole Jean-Wimzon Carrie, le père des deux enfants joint par France24.com.
La menace la plus dangereuse, pour la jeune Watlove, ne tient cependant pas aux épouvantables conditions de vie, mais aux hommes qui rôdent autour d’elle. Le mois dernier, la jeune fille a été agressée sexuellement à plusieurs reprises. "Je ne suis pas là, sa maman n’est pas là, qui peut la protéger ? Personne !, se révolte son père. Il fallait la faire venir, coûte que coûte." Le jeune Nelson, moins exposé que la sœur, est resté sur place. Ses parents ont entamé une procédure pour le faire venir.
"Une personne vulnérable", selon l’avocat des parents
Depuis son arrivée lundi, la jeune fille dort derrière les barreaux de la zone d’attente de l’aéroport d’Orly. Une demande d’asile déposée mardi dans la soirée lui a accordé un peu de répit : elle ne peut être reconduite en Haïti tant que le ministère de l’Immigration n’a pas étudié sa demande.
"Watlove aurait dû avoir le droit de rentrer sur le territoire, d’autant plus que ses parents peuvent l’héberger", estime Sylvain Saligari, l’avocat de Betty et Jean-Wimzon Carrie, les parents de Watlove. "C’est une jeune fille mineure, isolée et persécutée dans son pays d’origine. C’est clairement une personne vulnérable", poursuit-il.
Mais pour l’administrateur ad hoc, chargé de veiller à l'intérêt de l'enfant jusqu’à sa sortie de la zone d’attente, rien ne prouve que Betty et Jean-Wimzon sont réellement ses parents. Même l’acte de naissance qu’ils ont apporté lundi à la police des frontières de l’aéroport d’Orly n'a pas su convaincre les autorités. Non seulement les fonctionnaires ont-ils refusé de relâcher la jeune fille, mais ils ont gardé sa mère, qui est en attente de papiers, en garde à vue pendant près de 24 heures.
Jeudi, le juge des libertés et détention de Créteil doit statuer sur le sort de Watlove. Si elle est relâchée, il restera à prouver que Betty et Jean-Wimzon sont bel et bien ses parents. Si les fonctionnaires jugent à nouveau les preuves insuffisantes, elle pourrait être placée dans un foyer pour mineurs.
Si elle parvenait à poser le pied sur le sol français, l’adolescente pourrait alors être protégée par une note du ministre de l’Immigration, Eric Besson. Au lendemain du séisme, il avait ordonné la "suspension immédiate de toutes les procédures de reconduite dans leur pays d’origine des ressortissants haïtiens en situation irrégulière sur le territoire national."