Il aurait dû subir le sort que l'on réserve habituellement aux élus à mi-mandat, mais "Il Cavaliere" est parvenu une nouvelle fois à sauver les meubles. Paolo Bellucci, spécialiste de politique italienne, en explique les raisons.
Après quelques funestes mois, marqués par des scandales sur sa vie privée, d’embarrassantes bourdes de campagne et une agression durant un meeting à Milan, on attendait que le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, connaisse le même sort que le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, lors des régionales des 14 et 21 mars.
Contre toute attente, la droite italienne a évité le pire. La coalition menée par "Il Cavaliere" est même parvenue à ravir au centre-gauche le Piémont et le Latium, deux régions-clés de la péninsule.
Le professeur Paolo Bellucci, directeur du Centre d’études du changement politique (CIRCaP), à l’université de Sienne, explique pourquoi Silvio Berlusconi reste, aux yeux des Italiens, l’homme taillé pour le poste.
FRANCE 24 - Les électeurs français viennent d'infliger une punition au gouvernement de droite lors des régionales considérées comme un scrutin test de mi-mandat. On en attendait autant de leurs voisins italiens. Comment expliquer que Berlusconi ait réussi à tirer son épingle du jeu ?
Paolo Bellucci - Nous nous attendions tous à une défaite du parti au pouvoir, mais pas tout de suite. Contrairement à la France, en Italie, nous n’avons pas encore tout à fait atteint la mi-mandat. Selon les sondages, le gouvernement bénéficie encore de 44 % d’opinions favorables, un taux plutôt élevé compte tenu du contexte.
Le score du centre-droit, et en particulier celui du parti du Peuple de la liberté (PDL) de Silvio Berlusconi, est néanmoins en baisse par rapport à l’élection générale de 2008. Les régionales peuvent être analysées de deux manières : électoralement parlant, Berlusconi a fait une performance médiocre (il remporte le Piémont et le Latium avec une très courte avance), mais en termes politiques, c’est un triomphe.
F24 - Quelle est sa recette du succès ?
P. B. - Pour ce qui est de la politique, Berlusconi a trouvé une formule gagnante qui l’a rendu quasiment invincible. D’un côté, il y a la ligne dure sur l’immigration et la sécurité, représentée par son allié décisif, la Ligue du Nord, et de l’autre, une politique de fiscalité généreuse à laquelle est associée le PDL et sa mesure phare du "bouclier fiscal", une mesure adoptée en 2009 afin de rapatrier les capitaux placés à l’étranger. La combinaison de ces deux éléments représente exactement ce que souhaite la majorité des Italiens.
F24 - Récemment, le président du Conseil italien a essuyé quelques revers. Parvient-il toujours à séduire ?
P. B. - Pour leur majorité, les Italiens croient encore en Berlusconi. Ses positions sur la fiscalité et sur l’immigration sont rassurantes et il jouit encore d’une certaine aura.
C’est une personnalité à la fois galvanisante et polarisante. Il est autant aimé que détesté. Et tout tourne autour de lui. Les scandales sur sa vie privée ou les allégations de corruption ne semblent pas l’avoir atteint. Rares sont les Italiens qui décriraient Berlusconi comme un honnête homme, mais ils estiment qu’il est plus compétent et plus audacieux que ses rivaux.
F24 - Véritable magnat des médias, Silvio Berlusconi joue-t-il franc-jeu avec l’opposition ?
P. B. - La mainmise de Berlusconi sur les médias a un impact déterminant. Il a réussi a écarté l’opposition des écrans de télévision, alors que lui bénéficie d'une large couverture médiatique dans les journaux télévisés et les émissions politiques. Cette visibilité peut ainsi influencer les électeurs indécis ou peu intéressés par la politique. Le fait qu’il ne possède que de rares titres de la presse écrite importe peu. On ne doit pas oublier que 80 % des Italiens se tiennent informés de l'actualité politique grâce à la télévision. Seuls 20 % ont recours aux journaux papiers.