L'auteur et blogueur William Rejault publie chaque semaine trois nouveaux chapitres du roman "Le chemin qui menait vers vous", disponibles uniquement sur iPhone depuis le 2 février. Une première en France.
Le livre numérique se targue de renouer avec la grande tradition littéraire du XIXe siècle défendue en son temps par Alexandre Dumas et Honoré de Balzac : les romans-feuilletons. Une start-up française du nom de Blüpan a concocté un business-plan autour de cette idée inédite sur le Web et embauché le blogueur de renom William Rejault, qui s'est fait connaître avec ses billets signés du pseudonyme Ron L'Infirmier. L'homme a déjà signé quelques livres, sur papier cette fois, dont "Quel beau métier vous faîtes" de son vrai nom, et "La chambre d'Albert Camus" sous son pseudo.
"J'ai lu une étude américaine, à l'automne dernier, qui faisait état de l'excellente croissance du livre numérique aux Etats-Unis. Et j'ai pensé que l'interactivité rendue possible par l'iPhone n'était pas assez exploitée", explique Olivier Cambournac, PDG de Blüpan. L'aventure est lancée le 2 février dernier.
Chaque mercredi trois nouveaux chapitres d'un roman, "Le chemin qui menait vers vous", sont publiés uniquement sur iPhone. Le départ du livre tient en quelques phrase : "En 2017, à quelques jours du deuxième tour de l'élection présidentielle, le président Sarkozy meurt d'une mort assez violente. Le pays a beaucoup de problèmes d'électricité depuis quelques années... " Les lecteurs peuvent envoyer des commentaires et suggérer à l'auteur des idées de dénouement ou souligner une incohérence. William Rejault et son acolyte Laurent Latorre - le roman est écrit à quatre
mains - en tiennent compte.
Débourser 0,79 euro pour lire la suite
"Quelqu'un nous a suggéré que le personnage principal ait un destin national, c'est une très bonne idée que j'ai intégré dans ma trame. Quelqu'un nous a demandé ce qui allait advenir de la femme enceinte de 7 mois, où elle allait accoucher et quel serait le futur de l'enfant - j'avoue que je n'y avais pas pensé." William Rejault est surpris par le degré d'implication des lecteurs dans cet exercice de littérature interactive.
Les débuts sont très prometteurs : 20 000 personnes téléchargent l'application, gratuite pour les six premiers chapitres. Ensuite, le flot de lecteurs a tari, quand il a fallu débourser 0,79 euro pour lire les trois chapitres suivants... "Entre 600 et 700 personnes ont décidé de poursuivre en lecture payante", estime Olivier Cambournac. Pour que l'opération soit rentable, il faudrait 25 000 téléchargements payants. Mais le concept du e-roman interactif a fait parler de lui, et c'est déjà ça pour Blüpan.
Le buzz atteint même les oreilles de la direction éditoriale de Robert Laffont. La maison d'édition a racheté les droits papiers du roman, a annoncé William Rejault vendredi soir au Salon du livre de Paris. "Le chemin qui menait vers vous" connaît décidément un destin singulier. Les autres œuvres littéraires font plutôt le chemin en sens inverse...
Auteur numérique en chair et en os
William Rejault n'exclut pas de remanier le texte pour son édition papier. "Pour l'iPhone, je vise l'efficacité d'une écriture web : pas de verbe au passé simple, pas de fioriture. Il faut capter l'attention de quelqu'un qui lit un quart d'heure dans le métro." Il se promet de laisser reposer le texte un mois entre le moment où il met un point final au texte sur iPhone - le 28 avril - et le jour où il se remettra à l'ouvrage pour les éditions Laffont. Il prendra cette initiative pour améliorer "l'effort narratif", qui "n'est pas le même pour le papier". On perçoit aussi chez William Rejault la persistance des réflexes du monde du livre "traditionnel" : publier un roman sur iPhone ne procure pas encore la même fierté littéraire que de signer chez un grand éditeur.
Au Salon du livre de Paris, porte de Versailles, les médias et les tables rondes s'arrachent ce pionnier de la littérature numérique. Pour une fois, voilà un auteur de littérature dématérialisée en chair et en os. William Rejault est devenu, en quelques jours, le visage humain de cet objet à écran, qui suscite beaucoup de curiosité et de scepticisme de la part des lecteurs français.