
La crise entre Washington et Tel Aviv s'est transformée en polémique nationale aux États-Unis. De plus en plus de voix s'élèvent pour accuser l’administration Obama de mettre en péril une alliance de longue date.
Dans une interview accordée en janvier au magazine "Time", Barack Obama a qualifié le conflit israélo-palestinien d'"impossible à résoudre". Après un an au pouvoir, le président américain est contrarié de constater que le processus de paix au Moyen-Orient n’a pas avancé comme il l’aurait souhaité, plombé par des incidents diplomatiques. L’annonce de la construction de 1 600 nouveaux logements à Jérusalem-Est en pleine visite du vice-président américain Joe Biden dans la région la semaine dernière est le dernier exemple en date.
Cet incident, considéré comme "le pire depuis 35 ans" par l’ambassadeur israélien à Washington, est la preuve que les relations entre les deux pays se sont crispées. Alors que l’administration Obama redouble d’efforts pour obtenir des concessions de la part d’Israël, l’État hébreu ne fait que reculer.
Mais depuis peu, ces récentes tensions ont gagné la politique américaine intérieure. Obama et son administration sont accusés de mettre en danger une alliance aussi ancienne que cruciale.
Obama cristallise les critiques pour avoir changé de ton
Le vif mécontentement de l’administration américaine suscité par l’annonce du projet de colonisation israélien n’est que l’expression d’un sentiment de frustration qui perdure depuis un an. Selon Guillaume Meyer, le correspondant de FRANCE 24 à Washington, "Barack Obama est toujours très fâché de ce qui est arrivé à son vice-président". Une colère qui s’est exprimée par les voix de personnalités importantes, dont Joe Biden lui-même, la secrétaire d’État Hillary Clinton et David Axelrod, proche conseiller du président.
Le durcissement de ton opéré par la Maison Blanche vis-à-vis d’Israël n’est pas resté sans conséquences aux Etats-Unis. Le président américain, déjà sous le feu des critiques de l’opposition républicaine sur de nombreux sujets, est désormais accusé de remettre en question les excellentes relations avec un vieil allié étranger.
"Beaucoup de membres du Congrès se plaignent du fait que Barack Obama y soit allé un peu fort avec Israël", explique Guillaume Meyer. "Il souhaitent un retour à la normale des relations entre les deux pays."
Eric Cantor, le seul député républicain de confession juive, s’est dit "profondément préoccupé des propos irresponsables tenus par la Maison Blanche, le vice-président, et la secrétaire d’État à l’encontre d’Israël". Il a également suggéré que ces critiques, parmi les plus dures que les Etats-Unis aient faites à Israël ces dernières décennies, n’étaient qu’un simple calcul politique. "Dans un effort d’améliorer nos relations avec les pays arabes, cette administration a montré une ferveur troublante à amoindrir nos amis et alliés."
Au Sénat, le républicain Sam Brownback a du mal à concevoir en quoi "condamner Israël le temps d’un week-end constitue un étape positive vers la paix".
Mais les élus ne sont pas les seuls à s’en prendre à la Maison Blanche. Le Comité américain des affaires publiques d’Israël, un puissant lobby pro-israélien, a exprimé de "sérieuses inquiétudes" à propos de la réaction de Barack Obama, et souhaité "des mesures immédiates" vers une normalisation en douceur des relations entre Israël et les Etats-Unis.
Au chevet d’une amitié effilochée
L’agitation qui a frappé Washington ces derniers jours s’explique par l’histoire diplomatique et politique entre les deux pays. Le gouvernement américain a depuis longtemps considéré Israël comme un allié privilégié au Proche-Orient, et les hommes politiques de droite comme de gauche sont généralement d’ardents défenseurs de l’État hébreu. De son côté, Israël voit les Etats-Unis comme son allié le plus solide, et a bénéficié du soutien inconditionnel de l’administration Bush durant huit ans.
Bien que Barack Obama ne fasse que suivre la ligne tracée par ses prédécesseurs, et qu’il bénéficie d’un large soutien de la communauté juive américaine (il a obtenu près de 80% du "vote juif" durant l’élection présidentielle), il n’a pas rechigné à faire des demandes très directes à Israël, en réclamant notamment au Premier ministre Benjamin Netanyahou de geler la colonisation. La résistance de l’État hébreu sur ce point en particulier a provoqué un refroidissement des relations entre les deux nations, et entraîné de nombreuses critiques questionnant le bien-fondé de sa stratégie.
"À Washington, les gens sont inquiets parce que normalement les relations entre les Etats-Unis et Israël sont très bonnes", conclut Guillaume Meyer. Lundi, le département d’État a tenté de calmer le jeu en assurant que la relation privilégiée entre les deux pays n’était pas durablement touchée. "Israël est un allié stratégique des Etats-Unis et continuera de le rester", a martelé son porte-parole Philip Crowley devant les journalistes. "Notre engagement envers la sécurité d’Israël reste intact."